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bien plus nombreux, c’est qu’on n’avait plus le temps, comme par le passé, de peindre les mots. Aussi la calligraphie des diplômes des XIIe et XIIIe siècles, d’une encre restée si étonnamment noire, s’est-elle perdue au siècle suivant. La rapidité de l’expédition, voilà à quoi visaient les notaires, les procureurs et les greffiers. Il n’y avait que les moines qui, dans leur vie paisible, ne comptassent pas avec le temps ; voilà pourquoi au XVIe siècle on ne trouve les belles formes gothiques de l’époque précédente que dans les écrits émanés de quelques communautés, de quelques établissemens religieux ; mais ce n’est plus là qu’un archaïsme. Toutefois l’écriture des actes publics garda davantage les traditions ; elle revint même pour la minuscule aux habitudes du IXe siècle. Comme la connaissance de la lecture se généralisait, comme les actes s’adressaient dès lors à un plus grand nombre, on s’attachait davantage à la clarté. Les abréviations incessantes à l’époque précédente deviennent rares au XVIe siècle, et portent presque exclusivement sur la fin des mots. Plus tard dans les actes publics de notre pays, l’influence des chancelleries italiennes se fait sentir ; les caractères se redressent, s’amaigrissent, ils rappellent cette écriture dite italique que dans son Virgile imprimé en 1500 Alde avait, disait-on, imitée de l’écriture de Pétrarque et qu’on appela l’aldino. Toutefois la cursive, tantôt carrée, tantôt arrondie, a continué d’être en usage. C’est dans cette cursive que l’altération des anciennes formes s’accuse davantage ; elle s’individualise parce que chacun, écrit et suit un peu son caprice et sa commodité. Le besoin d’écrire rapidement en modifie successivement la physionomie, et fait que l’écriture courante, encore presque gothique sous Louis XII, carrée ou arrondie sous François Ier, se penche ou s’allonge à mesure, qu’on approche de la fin du XVIe siècle. Les principes de la bonne calligraphie sont de plus en plus abandonnés.

Au temps d’Henri IV, la cursive est devenue presque seule usitée ; mais les lettres, très rapprochées les unes des autres et généralement assez régulières, conservaient souvent des restes des formes anguleuses de la gothique. Celles-ci ne tardent pas à disparaître complètement sous Louis XIII, alors que les lettres prennent de plus fortes dimensions ; quand elles affectent des formes élégantes, c’est la ronde, ce n’est plus la gothique qu’on a sous les yeux ; mais, là où l’on vise avant tout à la rapidité de l’expédition, Loin de devenir plus claire et plus nette, l’écriture semble renchérir sur le griffonnage le moins lisible des plus anciennes époques. Dans les minutes des notaires, dans les actes de greffe, les mots s’enchevêtrent les uns dans les autres et laissent à peine discerner les lettres., Des abréviations sans nombre et excessives ajoutent encore à l’obscurité, et ce qui se produisait déjà au