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continuent de se conformer, et celui d’un orientaliste français, M. Léon de Rosny, auteur d’un savant travail sur les alphabets. Ainsi on est parvenu pour la transcription de l’alphabet dévanâgari à un certain accord, grâce auquel on peut reproduire assez fidèlement des textes sanscrits sans avoir recours aux caractères originaux. L’unification des écritures cursives offre encore plus de difficultés que celle des caractères typographiques, et l’on en serait réduit, pour une écriture universelle, à des moyens artificiels et passablement arbitraires ; plusieurs impliquent l’adoption d’un système de transmission phonétique commun qui n’est pas moins embarrassant que l’unification des signes graphiques et pour lequel on en arrive même, comme cela a lieu dans le procédé de M. Sudre, à faire intervenir l’élément musical. L’unité de notations pour la musique semble en effet nous fournir la preuve qu’un système commun de notations phonologiques n’est point une chimère ; mais la généralisation d’une méthode exigeant une éducation délicate de l’oreille est plus difficile encore que celle d’un procédé tel que la sténographie, qui demande une grande dextérité de main. La sténographie à laquelle nous recourons pour reproduire les débats de nos assemblées délibérantes est d’ailleurs fort loin de s’adapter à toutes les langues. Précisément parce que la rapidité du tracé veut que l’on s’affranchisse de l’orthographe, qu’on se borne à rendre strictement le son, l’accord doit être bien arrêté en ce qui touche la prononciation des lettres, et cela n’est pas possible entre idiomes de génie phonétique très différent. Assurément notre sténographie est fort supérieure à certaines tachygraphies usitées dans l’antiquité et au moyen âge. On pourra notablement simplifier les moyens d’exécution, parvenir à remplacer, comme on l’a récemment proposé, la main armée de la plume par le toucher d’un clavier ou des pédales qui écriront pour le sténographe, et permettront de reproduire un discours aussi vite qu’on exécute un morceau de musique : mais il est fort à craindre qu’on ne perde alors en clarté ce qu’on aura gagné en rapidité, et, quoi qu’on fasse, on se heurtera toujours à la difficulté d’inventer un système de signes qui puisse être adopté par toutes les langues et toutes les prononciations. Il semble que, pour résoudre le problème d’une écriture commune, on dût revenir à ce qu’était l’écriture dans le principe, un assemblage d’idéogrammes dont le sens serait indépendant de la valeur phonétique qui peut s’y attacher ; mais l’emploi de ces signes universels d’idées conduirait les hommes à ne plus se servir que d’un langage aussi enfantin, aussi grossier que celui que nous appelons le langage nègre, et auquel nous ramène un peu, il faut en convenir, la rédaction des télégrammes. Un pareil système serait tout au plus applicable à certaines correspondances fort élémentaires, à certains échanges très