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Nous avons de la peine à jouer grand jeu ; chacun se cantonne dans sa petite province et préfère exercer séparément soit l’importation, soit l’exportation. Or en saine économie les deux faits sont inséparables ; ils réagissent perpétuellement l’un sur l’autre, et les chiffres prouvent que dans un pays bien portant ils tendent toujours à se compenser, de même que la respiration d’un être vivant exige deux mouvemens alternatifs. Si on néglige de les pratiquer simultanément, il faut attendre, après avoir exporté, qu’une nation voisine importe pour notre compte, et cet intermédiaire veut être payé ; ce n’est pas pour la gloire que les Anglais se font nos rouliers et nos entrepositaires. On pourrait déterminer exactement la perte nationale qui résulte de ce détour ; ce que nous abandonnons à l’intermédiaire, c’est le prix de la vitesse, les spéculations que l’on peut faire sur la connaissance du marché, la hausse ou la baisse qu’il faut saisir au passage. Nous ressemblons à un capitaliste qui vend au cours le plus bas et qui abandonne la différence à son agent de change.

Quant au dommage moral, il est incalculable : la spéculation directe avec les pays lointains est un aiguillon d’activité. Nous restons à moitié chemin, semant partout des relations à peine ébauchées, mais nous ne fondons rien nulle part. De plus, n’ayant pas besoin de connaître l’état du marché, nous répugnons à nous expatrier ; qu’importe le gain que nous réalisons chez nous, si nous négligeons tout le bénéfice de la lutte, l’expérience qu’on acquiert sur les grands chemins, les dangers bravés, la science acquise, en un mot tous ces accessoires du grand commerce, plus importans que le commerce même ? Tirer un meilleur parti de nos ressources actuelles, pratiquer largement les entreprises lointaines, et ne rien laisser perdre des germes qu’elles ont semé, nous préparer au loin des correspondans qui connaissent parfaitement le double mécanisme des opérations, voilà ce qui doit, d’un commerce prospère, mais un peu passif, faire une propagande active et nationale.


III

Une fois d’accord sur le but, les chambres de commerce interrogées vont nous suggérer les moyens de l’atteindre. D’abord le ton de leurs réponses est très frappant : on n’y trouve aucune trace d’abattement, mais elles révèlent un certain esprit d’initiative qui repousse la tutelle gouvernementale. Les retours vers le passé sont très rares, les réformes sont en général vaillamment acceptées, l’ancienne routine combattue, et l’intervention de l’état réclamée seulement dans les cas indispensables. A l’état, on ne demande pas