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de leur part contributive, ils n’en travailleront qu’avec plus d’ardeur pour accroître la portion libre d’impôts. En fait d’exportation, malgré les combinaisons les plus ingénieuses, tant de taxes, petites ou grandes, qui atteignent le produit depuis l’entrée de l’usine jusqu’à la sortie du territoire ne sauraient être intégralement remboursées. — Tout le monde avouera que les impôts adoptés par l’assemblée nationale sentent l’expédient ; il ne s’est pas trouvé de regard assez ferme pour en saisir l’ensemble et en suivre les conséquences. Les financiers n’ont qu’une seule préoccupation : éviter les plaintes des contribuables, les frapper presqu’à leur insu, — en bon français plumer la poule sans la faire crier. Ils ont traité leurs compatriotes comme des enfans : pour ne point irriter tout le monde à la fois, on a saigné chacun séparément et successivement, en tâchant de faire croire aux autres qu’il leur en coûterait moins ; puis on a émis une théorie déplorable, à savoir que l’étranger doit payer une part de nos désastres ; on a oublié que cet étranger est un consommateur qui se dérobe à volonté. En un mot, l’œuvre de l’assemblée nationale, aux yeux du commerce, a le grave défaut d’atteindre sous toutes les formes les instrumens de notre prospérité future en vue d’obtenir un soulagement passager.

Que dire par exemple de l’impôt sur la petite vitesse ? il a été signalé dès sa naissance comme une des plus grandes aberrations financières, et n’a eu pour lui que l’entêtement de l’inventeur. Quel étrange procédé, pour favoriser la renaissance industrielle et commerciale, que de frapper l’instrument nécessaire du commerce, les transports ! Pas d’illusion possible, ce sont bien les grosses marchandises que l’on veut atteindre, c’est la petite vitesse que l’on rend onéreuse : or qui ne sait que le principal, le seul avantage de la petite vitesse, c’est le bon marché ? Le commerce se heurte partout à la fiscalité : le morceau de carton qui sert aux emballages paie séparément, et ce mince accessoire va devenir un poids très lourd. On met un impôt sur les effets de commerce, et l’on ne prévoit pas que la plupart des lettres de change seront tirées sur la place de Londres, avec perte pour le crédit français. Le fisc n’est jamais si gênant que lorsqu’il s’érige en bienfaiteur et prétend savoir mieux que les négocians ce qui leur convient. C’est ainsi que l’état impose sa garantie et son poinçon aux objets d’or et d’argent qui doivent être vendus à l’étranger : en vain le commerce se fatigue à répéter qu’il connaît bien sa clientèle, qu’une fois sorti de France il ne subit d’autre loi que celle de la concurrence. « Si mes cliens veulent du clinquant, laissez-moi leur en donner. » Vaine prétention : faire du clinquant, ce serait déshonorer la fabrication française, et il faut passer par le poinçon, coûte que coûte ! Quand il s’agit des fromens étrangers, convertis en