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Le temple de Little-Portland street s’élève près de Regent’s circus, au seuil du West-End. J’eus plus de difficulté à atteindre, un dimanche soir, l’église des free christians, située le long de Clarence-Road, dans cet ancien bourg de Kentish-Town, aujourd’hui rejoint et englobé par les accroissemens continus de la métropole. Comme le dimanche la loi interdit aux restaurateurs de servir, avant six heures du soir, tout consommateur qui ne réside pas à plus de 4 milles de distance, j’avais à peine une heure pour dîner, trouver un véhicule et franchir les 5 ou 6 kilomètres qui séparent de Clarence-Road les quartiers du centre : on voit comment une législation abusive peut aller à l’encontre de son objet ! Je m’arrangeai cependant pour prendre à Piccadilly circus, un peu avant six heures et demie, l’omnibus de Camden-Town, déjà bondé de couples endimanchés avec leur prayer book sur les genoux. Le sombre aspect des magasins rigoureusement fermés contrastait avec la foule qui circulait sur les trottoirs. Peu à peu les cloches, qui résonnaient de tous côtés, cessèrent de lancer leurs tintemens argentins, et les passans se réduisirent à quelques retardataires accélérant le pas dans la direction du temple voisin. Il était près de sept heures dix quand je franchis le seuil de ma chapelle, charmante petite église de style néo-gothique bâtie au fond d’un jardin. L’intérieur, avec sa large nef flanquée d’un bas côté, son orgue placé à côté de l’entrée, ses vitraux coloriés et ses inscriptions murales en lettres gothiques, parlait cent fois plus à l’âme que l’austérité rigide de maint temple évangélique. J’aurais même pu me croire égaré dans quelque chapelle ritualiste sans la simplicité de l’autel en pierre nue qui, pour tout ornement, exhibait une croix placée en dessous de l’entablement. A la gauche du chœur se trouvait une chaire assez basse, à droite le pupitre éclairé par deux bougies. Les pews, qui pouvaient contenir 200 ou 300 personnes, étaient assez bien remplies. Cependant le bedeau, reconnaissant à mon hésitation un visiteur de passage, me trouva encore une place à l’extrémité d’un banc vers le centre de l’église. Machinalement je cherchai un rituel autour de moi ; mais tous les exemplaires du banc étaient déjà accaparés par mes voisins. Je m’apprêtais donc à suivre platoniquement le service quand une gracieuse jeune dame franchit le passage qui me séparait de son banc pour m’apporter un prayer book de réserve et poussa la complaisance jusqu’à me l’ouvrir à la page voulue.

C’était encore la liturgie du révérend J. Martineau. J’observai seulement qu’ici la congrégation presque entière unit sa voix à celle du chœur. Les hymnes, comme du reste à la chapelle de Little-Portland street, sont tirés d’un petit recueil également compilé par M. Martineau. Le prédicateur que j’entendis en cette occasion