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surexcitation spirituelle de son premier entourage. C’est en 1864 qu’il a succédé au fameux prédicateur théiste J. W. Fox, dans la chapelle de South-Place, à Finsbury square, et depuis l’an dernier il dirige une seconde congrégation dans une chapelle de Saint-Paul’s road, à Camden-Town.

La chapelle de South-Place à laquelle M. Conway consacre sa matinée est située en plein centre de Londres, à quelques minutes de Moorgate station, que je gagnai un beau dimanche d’avril par le chemin de fer souterrain. Comme un grand nombre de temples dissidens, elle s’annonce par un fronton de style grec. L’intérieur, dont l’aisance faisait plaisir à voir, consistait en une salle capable de contenir 400 ou 500 personnes, avec un orgue au-dessus de l’entrée. Aux deux côtés, l’inévitable galerie soutenue par des piliers fluets, dans le fond, une large estrade avec une sorte de tribune ornée de deux candélabres à gaz. Partout des bancs garnis de livres et ornés de coussins rouges. Quand j’entrais, un peu avant onze heures et un quart, la chapelle était presque vide, mais à peine la vieille femme qui faisait l’office de sacristain m’eut-elle assigné un siège dans un des bas côtés que je vis les bancs se remplir comme par enchantement : beaucoup de femmes, quelques-unes élégantes et fort jolies, diversifiaient agréablement cet auditoire d’aspect intelligent et sérieux. J’appris dans la suite que cette congrégation se recrutait surtout dans le monde des savans et des professeurs, dans les carrières libérales, enfin parmi quelques riches familles de la cité. M. Conway m’a nommé entre autres un alderman, un ancien lord-maire, des médecins, des gradués d’Oxford, le président actuel de la Société royale de philologie, etc. Je ferai cependant observer que, par ses tendances, le public de M. D. Conway représente l’extrême gauche des dissenters en politique aussi bien qu’en religion. Cette alliance d’un élément religieux avec la petite école des radicaux extrêmes, qui se rapprochent du socialisme français, conduit même parfois à des résultats assez bizarres. Ainsi j’ai moi-même entendu recommander au prône de cette chapelle théiste une prochaine conférence de ce M. Bradlaughe, qui non-seulement figure en Angleterre un des rares apôtres du républicanisme rouge, mais qui, trouvant le terme d’athéisme trop modéré, s’est posé sur le terrain religieux comme le champion de l’antithéisme. L’unitarisme au contraire, et même la congrégation de Saint-George’s hall sont, sous le rapport politique, d’une orthodoxie tout à fait fashionable ; ainsi la liturgie de M. Voysey, comme celle de M. Martineau, ont conservé les prières de l’église anglicane pour la reine, le prince de Galles, les deux chambres du parlement, etc.

Peu après l’entrée de la congrégation, M. Moncure Conway, en costume de ville, monta sur son estrade, tourna bourgeoisement le