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légiature, qui est toujours prêt à saisir toutes les occasions de bruit et de polémique au risque d’être importun. L’esprit de parti de toutes les couleurs, de toutes les nuances, a cela de caractéristique et d’invariable, qu’il ne s’inquiète de rien, ni des besoins du pays, ni de la vérité, ni des lois, ni de l’intérêt public, ni des nécessités les plus pressantes. Il poursuit imperturbablement son œuvre, ne se refusant ni le stérile plaisir des vaines représailles et des agressions trop faciles, ni la satisfaction de réveiller les questions irritantes et les divisions dont il croit pouvoir profiter. Pour lui, rien n’existe que ce qui flatte ses passions ou ses préjugés, et tout son art consiste à mettre perpétuellement en doute ce qu’il n’a pas pu empêcher, à décrier des transactions qui restent après tout la dernière garantie de la paix publique. Assurément, s’il y a aujourd’hui pour la France un besoin impérieux, c’est celui de se reposer, ne fût-ce que quelques années, dans des conditions régulières, de s’attacher à la loi votée, par cela même qu’elle est la loi, de voir toutes les opinions modérées appliquer et défendre ensemble l’œuvre qu’elles ont sanctionnée en commun. Eh bien ! non, c’est à qui profitera des vacances pour persuader au pays que rien n’est fait, qu’il est plus que jamais livré aux jeux du hasard et de la force, qu’il s’agit tout au plus d’attendre un moment favorable pour déchaîner de nouveau toutes les passions de parti sur la France.

Les bonapartistes auraient certainement mieux aimé qu’on ne fît rien, qu’on leur laissât toute liberté d’inquiéter le pays, de l’abuser en lui dépeignant chaque jour sous les plus sombres couleurs les dangers du provisoire ; c’était un thème facile et commode au bout duquel était l’inévitable et invariable solution de l’appel au peuple. Puisqu’on les a dérangés dans leur stratégie, puisqu’on a voté une constitution sans eux, qu’à cela ne tienne, ils ont de merveilleuses ressources de tactique, et avant même que le régime nouveau soit une réalité, ils sont déjà en campagne pour le diffamer, pour le proclamer impossible, sous prétexte de démontrer la nécessité de la révision. À leurs yeux, le meilleur article de la constitution est celui qui permet de la détruire, et ces édifians conservateurs mettent leur dernière espérance dans les incertitudes qu’ils s’efforcent d’entretenir, dans l’échec d’une organisation qu’ils commencent par déconsidérer. Les légitimistes, à leur tour, sont peut-être moins habiles, ils ne sont pas moins violens dans leur hostilité. Ils parlent vraiment comme si rien ne s’était passé, comme s’il n’y avait pas eu un vote souverain. Pour eux, la république, les lois constitutionnelles n’existent pas, elles disparaissent devant le droit du roi, et nous voici tous transformés en rebelles de compagnie avec la France, qui est aussi la grande rebelle ! M. le marquis de Franclieu proteste solennellement devant l’assemblée, et M. le comte de Chambord fait écrire officiellement de Marienbad à M. de Franclieu pour