Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 11.djvu/431

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remplacer pour eux celles du club ou du cabaret, toutefois en dehors de la famille, les femmes et les enfans n’étant pas admis aux réunions des cercles. Divers avantages matériels leur sont en outre offerts ; on leur délivre des diplômes qui leur servent de recommandation auprès des chefs d’industrie catholiques ; on se charge de trouver du travail à ceux qui sont sans emploi, de leur distribuer des secours en cas de maladie et de chômage, etc., etc. L’œuvre de Jésus ouvrier ne se borne pas seulement à organiser des conférences au sein des cercles ; elle répand aussi par centaines de mille des petites feuilles ou tracts sur toute sorte de sujets religieux, moraux ou économiques.

Telle est l’organisation dans laquelle il s’agit d’englober successivement la classe ouvrière en la plaçant sous une tutelle à la fois militaire et cléricale ; mais les chiffres que nous venons de citer attestent que, malgré des efforts dont on ne peut que louer la persistance, les résultats sont demeurés jusqu’à présent assez minces. Notons encore à ce propos que les « cercles » n’ont pas réuni plus d’une dizaine de milliers d’adhérens : à Paris, où ils sont au nombre de 7, ils n’en comptent pas plus de 1,100 à 1,200 ; à Lyon, il y en a 5 avec 700 ou 800 adhérens. C’est peu, on en conviendra, et les secrétaires de l’œuvre ne dissimulent pas les difficultés que l’on éprouve à surmonter les défiances et le mauvais vouloir manifeste des masses ouvrières. Cependant les rapports présentés au congrès sont empreints de l’optimisme le plus confiant, et les imaginations échauffées par les résultats acquis enfantent les plus vastes projets. Il ne s’agit plus seulement de fonder des cercles d’ouvriers, il s’agit de créer des « ateliers catholiques, » mieux encore, de ressusciter les corporations avec les confréries, telles qu’elles florissaient au moyen âge. « Ne voyez-vous pas, disait naguère le promoteur des comités catholiques, M. de Mun, dans une assemblée générale de l’œuvre, ne voyez-vous pas que tout cela est la reconstitution du vieil édifice, que tout cela, c’est le passé qui va revivre ? Et alors, quand vous entendrez les rhéteurs du jour s’écrier que la vieille France est morte et qu’elle ne peut plus renaître de ses cendres, vous les conduirez dans un de nos cercles, puis vous leur demanderez à ces rhéteurs si, alors que dix-huit mois ont suffi pour produire de tels résultats, il n’est pas vraisemblable que dans quatre-vingts ans nous aurons relevé l’édifice qu’on amis quatre-vingts ans à détruire. » Au congrès de Reims, le R. P. Marquigny s’est chargé de donner un corps à ces espérances passionnées en déposant une série de conclusions tendantes au rétablissement des corporations et des confréries.

Nous ne voudrions point certes décourager M. de Mun et le