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société. Que cette entreprise soit vouée à un échec inévitable, que le césarisme religieux ne réussisse pas mieux que ne l’a fait le césarisme politique à imposer à la société ses rêveries rétrogrades, cela ne souffre aucun doute ; on peut s’étonner même qu’une pareille tentative soit vraiment prise au sérieux, et la crainte d’un retour au moyen âge ne fait pas plus d’honneur aux lumières, ajouterons-nous aussi à la sincérité de ceux qui la ressentent qu’à l’intelligence de ceux qui nous en menacent. Mais, si chimérique qu’elle soit, cette entreprise ne suivra pas moins son cours ; on complétera selon toute apparence, dans les futurs congrès, l’œuvre ébauchée à Poitiers et à Reims, on dressera un programme de l’enseignement du droit dans les universités catholiques, conforme aux doctrines du père Sambin, on rédigera les statuts des corporations reconstituées selon les vues du révérend père Marquigny ; de pieuses dames broderont les bannières des confréries, et on chantera plus que jamais dans les agapes des cercles placés sous le patronage de Jésus ouvrier :

Sauvons Rome et la France
Au nom du sacré cœur.

En attendant, ce qu’ont de mieux à faire les catholiques libéraux, devenus, hélas ! des schismatiques à l’état latent, c’est de prendre patience. Leur heure reviendra. Comme le disait M. de Montalembert au congrès de Malines, l’ancien régime est mort, il ne ressuscitera jamais, ni nulle part. Le jour où le gouvernement de l’église s’apercevra enfin qu’en s’attachant à ce cadavre il expose sa propre vie, il se retournera du côté des vivans, et l’alliance du catholicisme avec la liberté, qui a été la généreuse utopie de Montalembert, deviendra alors une féconde réalité.


G. DE MOLINARI.