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à l’opinion généralement adoptée, qu’il est celui des trois ordres qui a le plus contribué, proportionnellement à sa fortune, aux dépenses de l’état, car ce n’est point forcer les chiffres que de porter à 1 milliard la somme des décimes qu’il a payées de 1580 à 1789, sans compter les dons gratuits, qui se sont élevés, de 1641 à 1705, à 36 millions, et à 103 millions de 1735 à 1783.

La question des biens ecclésiastiques fut résolue, comme celle de l’impôt, contre la papauté. Le droit public posa en principe que le clergé ne tenait que du prince, c’est-à-dire de la personne qui représentait l’état, la faculté civile d’acquérir, que toutes les terres situées dans le royaume relevaient de la couronne et non du pape, attendu que le patrimoine de saint Pierre était au-delà des Alpes, que le clergé n’avait pas le droit d’acquérir indéfiniment, parce que la propriété foncière, en s’immobilisant entre ses mains par voie de substitution perpétuelle, faisait perdre à l’état les lods et ventes, les reliefs et autres droits de mutation qui appartenaient au roi comme souverain et comme suzerain, ce qui privait le trésor public d’importantes ressources. Défense fut faite aux gens d’église de posséder des immeubles sans autorisation royale, et d’accepter aucun testament où ils figureraient comme légataires universels. Le droit d’aliéner fut également subordonné à la sanction du pouvoir civil. Quelques catholiques, subissant à leur insu l’influence des idées de la réforme, proposèrent même, sous François Ier, la confiscation et la vente des biens du clergé comme un acte de justice et de réparation qui devait alléger les charges du trésor, dégager le domaine, favoriser l’agriculture et solder une partie de la dette. Cette mesure était trop grave, trop en désaccord avec la tradition, pour être étendue d’un seul coup à tout le royaume ; mais les rois n’y répugnaient point, parce qu’elle leur promettait des rentrées de fonds considérables, et comme toujours, lorsqu’il s’agissait d’actes qui pouvaient amener des complications sérieuses, s’ils étaient appliqués d’une manière générale, ils disséminèrent les confiscations, et les firent porter tantôt sur un diocèse, tantôt sur un autre. Ils commencèrent par mettre à la fonte une certaine partie de l’orfèvrerie des églises, comme l’ont fait les jacobins trois siècles plus tard, et ils ordonnèrent des ventes partielles de biens fonds en 1521,1525, 1541 et 1550. Le clergé n’échappa à la spoliation qu’en s’engageant à payer des impôts périodiques qu’il acquitta, sous le nom de décimes, jusqu’à la révolution.

L’exercice de la justice fut de la part du saint-siège l’objet des mêmes revendications que les impôts et les propriétés ecclésiastiques. Sous prétexte que les lois divines sont supérieures aux lois humaines, les papes réclamèrent pour l’église non-seulement la