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peut, sans l’autorisation du pape, lever des impôts sur les gens d’église, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, même par voie de contrainte. — Les prélats et les ecclésiastiques mandés à Rome par le pape ne peuvent, quel que soit leur rang, sortir du royaume sans la permission du roi. Les informations de vie et de mœurs pour les nominations d’évêques seront faites par les ordinaires et non par les nonces. Le roi est le premier protecteur de l’église gallicane ; c’est à lui qu’appartiennent les revenus des bénéfices vacans. C’est à lui qu’il appartient de régler les pèlerinages, non pas que le prince ait à décider s’il est plus agréable à Dieu d’être prié dans un lieu que dans un autre, mais pour le bien de l’état, que des assemblées illicites peuvent mettre en danger. Le pape ne peut lever de deniers en France sans l’autorisation du roi[1]. Il ne peut connaître des legs pieux, ni confisquer en matière ecclésiastique, ni permettre de tester ou de posséder des biens contrairement aux lois du royaume, ni restituer les laïques contre l’infamie, ni s’ingérer aux scandales et séditions monastiques, ni excommunier pour les affaires civiles. Le roi peut toujours appeler des décisions du pape, soit au futur concile, soit au pape mieux informé. Le pape ne peut pas, sans qu’une enquête ait eu lieu, accorder aux ordres mendians le droit de conférer les sacremens. Aucune bulle ne peut être exécutoire sans avoir été au préalable vérifiée et enregistrée ; les bulles dogmatiques elles-mêmes doivent être examinées. Les légats, pour avoir le droit de résider dans le royaume, doivent donner déclaration par écrit que tout ce qu’ils feront sera tenu de la permission et licence du roi et pour tel temps qu’il lui plaira[2]. Le concile général est supérieur au pape.

On était loin, on le voit, des doctrines de Grégoire VII et du dogme de l’infaillibilité. La compétence du saint-siège, même dans les matières spirituelles, était réduite à fort peu de chose, puisque les bulles dogmatiques elles-mêmes pouvaient être rejetées, et ce n’est pas sans raison que Fénelon a écrit qu’en France les rois avaient fini par être plus papes que le pape. Ils ne cédaient jamais que momentanément, quand de graves intérêts politiques et diplomatiques les amenaient à transiger. C’est qu’en effet ils regardaient les libertés gallicanes comme la sauvegarde de leur dignité et de leur indépendance, et, comme ils étaient assurés d’avoir la nation derrière eux, ils se montraient exigeans et fiers ; mais ces libertés,

  1. Ce principe des libertés gallicanes est un de ceux que les rois ont affirmés avec le plus de force. Voyez les lettres patentes de 1202, 1326, 1406, 1463, 1551, dans Isambert, Anciennes Lois, aux dates ci-indiquées.
  2. Traité de la grandeur et prééminence des rois, in-8o de 70 pages, XVIIe siècle, — Laurent Bouche), Bibliothèque du droit français, t. III, p. 378.