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noms supposés ; les ministres en recevaient à titre de gratification, comme Sully, qui en avait trois rapportant 43,000 livres de rente. Le concordat eut encore d’autres conséquences non moins fâcheuses. Les évêques, placés sous la main du roi, organisèrent le gouvernement spirituel sur le type du gouvernement monarchique. Au lieu d’administrer, comme dans les anciens temps, avec le concours des doyens et des chapitres, ils administrèrent avec un conseil qu’ils choisirent eux-mêmes ; le bas clergé fut livré à leur entière discrétion, et de nos jours encore il subit cet absolutisme.

A dater du concordat de 1516, les papes laissent l’église gallicane à la merci des rois. Ils ne font rien pour mettre un terme aux abus sans nombre qu’entraîne l’intervention de la couronne dans les affaires ecclésiastiques, et c’est le clergé de France, alors comme aujourd’hui le premier clergé de l’Europe, qui pourvoit dans ses assemblées aux réformes et au maintien de la discipline. A part Paul III, qui fit de généreux efforts pour rétablir la paix entre Charles-Quint et François Ier et pour arrêter les persécutions contre les réformés, — à part Clément IX, qui montra dans les querelles du jansénisme un esprit sage et conciliant, — les papes des trois derniers siècles n’interviennent dans les affaires intérieures ou extérieures du royaume que pour pousser les rois dans la voie des persécutions religieuses ou traverser la politique française. Jules II forme avec Louis XII, en 1508, la ligue de Cambrai contre Venise, pour lui arracher Faenza et Rimini, et, quand il est maître de ces villes, il forme la sainte-ligue contre Louis XII, avec Venise, l’Espagne et l’Angleterre. Léon X contribue pour une large part à nos revers dans le Milanais. Clément VII signe avec l’Angleterre et la France la ligue de Cognac contre l’Espagne, et en 1532 il refuse à François Ier le droit de lever des décimes sur le clergé et l’accorde à Charles-Quint. Pie V pousse Catherine de Médicis à la guerre et aux mesures extrêmes contre les protestans ; Sixte-Quint s’unit à la ligue et à l’Espagne contre Henri IV, et ne se rapproche de lui que lorsqu’il le sait disposé à abjurer. Sous Louis XIV, la question de la régale soulève de vifs débats entre ce prince et le pape Innocent XI. L’assemblée de 1682 se prononce contre le pape ; elle promulgue la déclaration relative aux libertés de l’église gallicane. Le grand roi s’effraie de son triomphe, il craint une rupture, et cette circonstance ne fut pas étrangère à la révocation de l’édit de Nantes. Innocent XI, plus clairvoyant que Louis XIV, désapprouve tacitement cette mesure néfaste, parce qu’il sait que les ennemis du catholicisme profiteront des violences exercées contre les dissidens pour mettre la religion en cause et la combattre au nom de la justice et de l’humanité, lorsque déjà ses adversaires s’autorisaient contre