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peut-être lieu à de grands abus. Grâce au marché à terme, on peut, sans amener de fortes perturbations de prix, chose toujours regrettable, acheter ou vendre en une fois la quantité de titres voulue : en opérant au comptant, un pareil résultat ne s’atteindrait peut-être pas en plusieurs jours, et il serait bien autrement aisé à la spéculation pure d’influencer les cours à son gré. C’est ainsi que les marchés à terme sont devenus peu à peu la règle, et le nombre des négociations qui, au lieu de se résoudre par des différences comme les paris, se terminent par des livraisons ou des levées de titres, est immense.

Prétendons-nous que le jeu proprement dit soit banni de la Bourse ? Non certes, — que la chambre syndicale des agens de change de Paris n’ait plus Il surveiller aucun membre de la compagnie, que la visite des carnets, comme l’on dit[1], ne soit jamais pratiquée, qu’il n’y ait plus matière à remontrances, à amendes, à vente forcée d’office par mesure disciplinaire ? Assurément non ; mais, si l’on étudie les faits contemporains, si l’on compare le nombre de sinistres arrivés au parquet avec ce qu’il a été à d’autres époques, si l’on rapproche la tenue du marché de Paris de celle des marchés européens les plus largement ouverts, ceux de Londres ou de Vienne entre autres, on restera convaincu de l’excellence du nôtre à tous les points de vue, comme sécurité, aptitude, droiture, de même que dans la facilité avec laquelle notre public traverse les phases les plus graves, supporte sans gros dommages les événemens les plus redoutables, on trouvera la preuve de cet esprit d’ordre, de rectitude, de bon sens, qui distingue notre race, sauf sur un point, hélas ! celui de l’aptitude politique à être gouvernée ou à se gouverner.


II

La Bourse de Londres (stock-exchange), le marché des valeurs n’est point une institution officielle, une administration gouvernementale, comme la compagnie des agens de change de Paris ; c’est une corporation libre, « un club financier » sans privilèges, sans autres droits que ceux que ses membres se sont donnés, fermée au public, vis-à-vis de laquelle les tiers n’ont ni recours ni garantie spéciale, et par laquelle cependant passent presque tous les achats de titres du pays. Les membres du stock-exchange se divisent en deux catégories, les brokers (courtiers), les dealers (commerçans) ou plus simplement les jobbers (brocanteurs). Les brokers arrêtent

  1. Le carnet est le livre où les agens inscrivent leurs opérations au moment où elles se font.