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pour empêcher de travailler ceux qui voulaient rester à l’ouvrage. Sur une mine, un cercueil vide fut déposé une nuit avec une inscription significative. C’était plus qu’une plaisanterie sinistre, c’était une menace de mort pour ceux qui seraient tentés de reprendre le travail, et, si cette fois il n’y eut pas lieu de la mettre à exécution, elle fut implacablement exécutée dans une autre grève quelques années plus tard. Tous les jours, c’étaient de longues processions et d’interminables meetings où l’on prononçait des discours enflammés, où l’on arrêtait des résolutions inacceptables. La grève dura plusieurs semaines. L’autorité, attentive, vigilante, mais désireuse de respecter jusqu’au bout les droits du travailleur, n’envoya sur les lieux que des constables ou agens de police. Peu à peu le calme se fit, et tout rentra dans l’ordre ; les mineurs furent forcés de reprendre l’ouvrage sans avoir rien obtenu de ce qu’ils réclamaient si impérieusement. Ils voulaient réduire la journée de travail à huit heures au lieu de dix, et recevoir pour cela la même paie. Leur prétention, s’ils avaient eu gain de cause, eût désorganisé tous les chantiers : elle était condamnée d’avance.

Les mines de Pensylvanie, dans leur allure géologique, n’ont presque rien qui les distingue, sauf la qualité du charbon, des houillères des autres pays. Les couches d’anthracite gisent sous le sol superposées les unes au-dessus des autres comme les feuillets d’un livre, mais séparées par des intervalles plus ou moins grands de roches stériles, des argiles compactes, des schistes ardoisés, des grès. Les couches charbonneuses elles-mêmes ont des épaisseurs variables, qui peuvent dépasser plusieurs mètres, comme cette couche qu’on appelle mammouth à cause de son énorme épaisseur, et qui présente en quelques endroits jusqu’à 20 mètres de charbon pur. On trouve ici les mêmes fossiles que dans toutes les régions houillères, entre autres ces empreintes de fougères arborescentes qui couvraient le sol en si grande quantité au temps de la formation du charbon minéral.

Dans les mines de Pensylvanie, on rejoint le combustible par de larges galeries inclinées, plus rarement par des puits verticaux à grande section. Dans ces galeries circulent sur un chemin de fer les chariots menés par une machine à vapeur qui fait remonter les pleins et descendre les vides. Un câble attaché aux véhicules passe sur un tambour ou sur la gorge d’une énorme poulie. L’ouvrier gagne par ce tunnel les chantiers souterrains. Il est chaussé de grosses bottes, et se protège la tête d’un chapeau rond en cuir très dur, auquel il fixe sa lampe, un petit godet en fer-blanc à la mèche fumeuse. Il va en tâtonnant, courbé, heurtant aux boisages dans le dédale des galeries, et arrive à sa place accoutumée pour commencer la rude besogne, toujours la même chaque jour. Le mineur abat