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qu’elle ressemble aussi peu que possible à l’autre, à la « vraie » selon l’évangile de Saint-Mandé. Elle n’a rien à voir avec l’anniversaire du 21 septembre, elle est du temps où elle est venue au monde. Elle s’adapte aux intérêts et aux instincts du pays, qu’elle ne trouble ni ne menace. La constitution qui lui a été donnée a l’avantage de concilier des nécessités de gouvernement plus que jamais impérieuses et des libertés certes encore assez larges. Pratiquée simplement et sincèrement, elle peut, comme l’a dit M. le duc de Broglie, comme l’a répété M. le préfet des Vosges, offrir un moyen d’échapper à cette éternelle et désolante alternative de l’anarchie et du césarisme. Elle permet tout au moins, si elle ne le favorise pas, ce travail d’apaisement qui apparaît un peu partout, au milieu duquel les manifestations radicales peuvent être une discordance choquante, sans être un incident sérieux et menaçant, sans interrompre cette paisible et laborieuse renaissance qui est après tout le prix de beaucoup d’efforts et d’un esprit persévérant de modération.

C’est le destin de ces œuvres de réorganisation nationale après la tempête d’avoir à triompher de bien des difficultés, — des scrupules ou des résistances des uns, des violences emportées des autres, souvent de l’indécision de tous. C’est heureusement aussi la fatalité des excitations passionnées et bruyantes d’échouer devant la raison publique, devant l’instinct populaire. Que les partis extrêmes s’agitent ou essaient de s’agiter, que le radicalisme représenté par M. Louis Blanc aille à Saint-Mandé évoquer les souvenirs sinistres de la convention, que les légitimistes se vengent de leurs déceptions par des représailles d’animosité ou de mauvaise humeur, en s’efforçant d’entraver, de dénaturer ou de dénigrer ce qu’ils ne peuvent empêcher, le travail d’apaisement et de conciliation ne se poursuit pas moins à travers tout. Il se manifeste par un certain état général de l’opinion, par les dispositions évidentes des partis sérieux, par une modération qu’on interprétera comme on voudra, qui serait bien plus significative si elle n’était qu’un calcul, un hommage intéressé au sentiment public. Évidemment il y a une trêve à peu près complète et heureuse. Pour la première fois peut-être depuis longtemps, on l’a remarqué, le pouvoir de M. le président de la république est universellement accepté sans aucune apparence de contestation. M. le maréchal de Mac-Mahon va aux manœuvres militaires, dans un comice de l’Allier, dans les ateliers de Rouen, partout il est reçu avec une respectueuse sympathie, sans ostentation et sans affectation. M. le président de la république ne fait pas de longs discours ; à ceux qui croient devoir l’accueillir avec des harangues officielles, il répond familièrement : « Pour moi, je ne connais qu’une politique, l’amour de la patrie. — Vous pouvez avoir confiance ; tant que j’aurai le gouvernement, l’ordre sera maintenu. » C’est peut-être par de telles paroles que M. le maréchal de Mac-Mahon répond le mieux à l’instinct public, en se plaçant au-des-