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(pages 204 et 223) ; seule, la négociation au sujet du traité sur la Belgique, M. Benedetti avait cru convenable de la taire à son chef immédiat et de n’en entretenir que le ministre d’état. « Cette négociation a eu non-seulement son commencement, mais bien aussi sa fin (elle fut rompue par M. de Bismarck le 29 août), toujours durant le ministère de M. Drouyn de Lhuys et en dehors de sa connaissance. Il y a donc eu une occasion où M. Benedetti n’a pas exclusivement correspondu avec le ministre des affaires étrangères ! Il y a donc en une époque dans la carrière de M. Benedetti où il a reçu des ordres qui n’ont point passé par l’intermédiaire du quai d’Orsay ! Et comment en vouloir à l’honorable M. Daru de sa supposition que ce qui était arrivé au mois d’août 1866 ait bien pu aussi arriver dans les mois de mars et avril de la même année ?

M. Benedetti passe, dans sa réclamation, complètement sous silence cet incident du traité concernant la Belgique ; c’est cependant le point culminant, le seul point vraiment grave du débat, le seul aussi au sujet duquel nous nous sommes permis de lui faire le reproche d’avoir agi à l’insu, non pas de son gouvernement, mais de son ministre. M. Benedetti trouverait-il par hasard que c’est là un incident anecdotique incompatible avec la dignité de l’histoire ? Il avait en effet essayé d’abord, dans sa lettre publiée au Moniteur le 29 juillet 1870, de donner à cet événement déplorable une tournure tout à fait anecdotique, d’assigner au document compromettant une génération pour ainsi dire spontanée ; il aurait voulu se rendre seulement un compte exact des idées de M. de Bismarck et « consenti à les transcrire en quelque sorte sous sa dictée. » Il n’a pu persister longtemps dans un pareil badinage ; il a du avouer dans son livre qu’il avait engagé une négociation véritable, et M. de Bismarck s’est accordé depuis le malicieux plaisir d’éclairer les diverses phases de cette négociation par divers extraits tirés des papiers de Cerçay et publiés dans le Moniteur prussien en réponse au livre de M. Benedetti. « Durant ma longue carrière, dit M. Benedetti dans la préface de son livre (p. 4), je n’ai été chargé que dans trois occasions différentes d’ouvrir ; des négociations ayant un objet déterminé, et me laissant avec une part d’initiative une part proportionnelle de responsabilité. » Il énumère ces trois négociations et prouve qu’il a su les mener toutes à bonne fin, mais il se garde bien de mettre au nombre sa négociation au sujet de la Belgique, dans laquelle on lui a pourtant laissé une part d’initiative et dans laquelle nous lui laisserons aussi sa part proportionnelle de responsabilité.

Nous lui laisserons également le ton de sa polémique : elle est sui generis comme sa diplomatie, et c’est le cas de dire avec M. de Bismarck : « M. Benedetti est trop fin pour nous.

JULIAN KLACZKO.

Le directeur-gérant, C. BULOZ.