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LES FOURMIS

On lit dans l’Ecclésiaste : « Le trépas est pour l’homme et pour les bêtes ; égale est leur destinée. Comme l’homme meurt, ainsi elles meurent de la même manière ; elles respirent toutes, et l’homme n’a rien de plus que la bête. Toutes choses sont soumises à la vanité. Toutes choses vont vers un seul lieu : elles ont été faites de la terre, et elles retournent pareillement à la terre. Qui sait si l’âme des hommes monte en haut et si l’âme des bêtes descend en bas[1] ? » Ces lignes, que la main d’un sage a tracées, sont-elles donc tout à fait oubliées des modernes défenseurs de la foi ? Au nom de certaines idées religieuses, des vérités éclatantes comme la lumière doivent être conspuées. Soutenir que les phénomènes de la vie participent de la même essence chez tous les êtres animés, signaler l’intelligence des animaux, apporter des preuves irrécusables de la prodigieuse antiquité du monde terrestre, voilà, aux yeux des purs croyans, des choses impies, des énormités dignes de l’enfer. Il semble parfois qu’on regrette l’absence d’un saint tribunal pour garder le genre humain dans l’obscurité du moyen âge. On put faire quelques bonnes avanies à ce pauvre vieux Galilée, inspirer à ce mécréant une crainte salutaire ; aujourd’hui il faut se contenter de l’anathème envers ceux qui, à force de recherches et de patience, reconnaissent et proclament une vérité sur le monde. Les gens bien élevés accordent de l’instinct aux animaux, de l’intelligence jamais. Il ne suffit pas à l’homme d’avoir le premier rang dans la création, on entend que nul ne lui ressemble, s’il n’est Dieu. Le livre saint l’a dit, « toutes choses sont soumises à la vanité. »

Bonnes gens qui volontairement fermez les yeux à la lumière

  1. Chap. III, versets 19-21.