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débiles. Elles n’agissent pas chaque jour de la même manière ; les conditions atmosphériques en décident. Vraiment ce ne sont pas des êtres sans raison qui se comportent ainsi. Parvenues au terme de la croissance, les larves filent une coque soyeuse ; enfermées dans cette prison, elles se transforment en nymphes[1]. Les ouvrières donnent aux cocons les soins qu’elles donnaient aux larves ; au moment où l’insecte adulte vient d’éclore, elles déchirent le tissu soyeux de façon à rendre facile la sortie du nouveau-né. Les jeunes fourmis ne sont pas tout de suite en état de prendre part aux travaux de la communauté ; les vieilles commencent par leur offrir de la nourriture, elles les accompagnent ensuite dans les diverses parties de l’habitation et les initient aux actes de la vie : il y a une éducation dont la durée n’est pas certaine.

En même temps que naissent des ouvrières en grand nombre, naissent aussi des mâles et des femelles. Mâles et femelles n’ont qu’un souci, qu’un désir, au plus vite s’envoler. En plein air seulement se consomment les unions. Les fourmis ailées s’échappent ; quelques-unes ne vont pas loin ; les femelles capables de devenir mères, recueillies par les ouvrières et rapportées au nid, vont accroître la population. D’autres au contraire se sont trouvées entraînées à d’énormes distances ; chaque femelle fécondée tombe sur le sol sans secours possible. Elle n’en est pas troublée ; elle s’enfonce dans une cavité, se débarrasse de ses ailes et, se faisant ouvrière, elle construit un petit nid. Elle pond une minime quantité d’œufs, et, devenant mère et nourrice à la fois, elle élève ses larves ; des ouvrières éclosent. Celles-ci agrandissent l’humble demeure et se mettent aux travaux nécessaires. Désormais la mère sera reine. Ainsi se fondent les colonies.

Nos fourmis indigènes, on le sait, se nourrissent de matières fluides et se montrent particulièrement avides de liqueurs sucrées ; elles lèchent le miel sur les fleurs, elles sucent le jus des fruits. Ce n’est pas pour elles seules ; douées de la faculté de dégorger, elles puisent une énorme quantité de nourriture afin d’alimenter les compagnes restées au logis et surtout les larves. Personne n’ignore combien les intelligentes petites bêtes recherchent les pucerons, qui éjaculent un liquide sucré. Sur les végétaux où abondent ces parasites, ce sont des allées et venues continuelles. Plusieurs espèces, principalement des maçonnes et des mineuses, font mieux que d’aller à grande distance recueillir les gouttelettes de la liqueur toujours si désirée, elles emportent les pucerons et les mettent sur

  1. Les larves d’un petit nombre d’espèces se transforment en nymphes sans faire de cocons.