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était considéré à bon droit à Buenos-Ayres comme une offense et comme une provocation. La surexcitation qu’avait produite la communication des traités dans le public, dans la presse et dans les chambres était telle que le ministre des relations étrangères, M. Carlos Tejedor, se laissa entraîner à écrire une note dont la violence semblait fermer la porte à la conciliation. Cette note du 27 avril 1872, qui a marqué dans le débat, demande l’annulation pure et simple des traités Cotegipe, qu’elle considère comme équivalant à la rupture de l’alliance.

Ces déclarations produisirent à Rio l’effet attendu ; l’impression fut tout aussi vive à Buenos-Ayres lorsque cette dépêche fut connue du congrès, et l’opinion publique, qui avait poussé à ces violences, fut la première à les blâmer : le Brésil par ses actes, la république argentine par ses paroles, semblaient tous deux trop démontrer leur désir de liquider par la guerre le traité d’alliance pour que les intérêts privés, profondément menacés, n’en vinssent pas à exercer une pression énergique sur les représentans de la nation, à exiger du ministre un correctif immédiat. La nécessité s’en imposait ; c’est ce qui détermina l’envoi du général Mitre à Rio-Janeiro en mission extraordinaire le Il juin 1872. L’homme qui avait fait l’alliance de 1865, qui avait signé le traité et commandé les armées alliées pendant la période la plus longue et la plus ardue de la guerre, était l’envoyé choisi pour ramener le gouvernement brésilien aux pensées de paix contenues dans la lettre du traité de 1865 et des protocoles de 1870 et de 1871. Il y avait quatre ans que le général Mitre était descendu du fauteuil présidentiel ; rentré dans la vie privée, il était resté l’homme d’état le plus considérable de son pays, et l’on ne pouvait douter que l’autorité de sa parole, en même temps que le souvenir des services rendus au Brésil lui-même, n’amenassent promptement les esprits à des idées de paix. Tel fut en effet le premier résultat obtenu. Cependant que de difficultés entouraient l’envoyé argentin dès le début de son séjour à Rio ! Un incident pouvait dès le premier jour en donner la mesure : à son arrivée, le général n’avait pas été reçu personnellement par l’empereur selon l’usage, bien que ces deux personnages fussent liés par des relations anciennes : sur la demande qu’il fit d’une audience, il lui fut répondu que l’empereur ne pourrait le recevoir qu’à l’audience mensuelle des ambassadeurs du 2 août suivant. Le général Mitre s’y rendit en grande tenue, accompagné du personnel de la légation. Suivant les règles du cérémonial, un entretien était de rigueur entre l’empereur et l’envoyé argentin. Le général Mitre salua dom Pedro II en lui disant combien il était heureux de revoir au milieu de la paix glorieusement conquise un compagnon d’armes