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avait traité ; le véritable obstacle n’était pas le vaincu, c’était l’allié, et l’aliment de la querelle était malheureusement à Buenos-Ayres, dans les conseils du gouvernement, aussi bien que dans l’hostilité brésilienne.

Par une destinée fatale, l’initiative de ces difficultés revenait au même homme ; il avait contribué deux fois : à les raviver et rendu inutiles les efforts de deux envoyés extraordinaires, tous deux d’un mérite peu commun, le général Mitre et le docteur Quintana. Après quatre années, ce ministre n’avait pas été remplacé. Avocat d’un mérite reconnu, mûri par les luttes journalières d’une carrière très brillante et très occupée, maniant avec une grande habileté la plume, cette arme unique de l’avocat américain, M. Tejedor, dans sa carrière de diplomate, n’avait cessé de faire éprouver à son pays des échecs répétés, parce qu’il manquait de cette habileté spéciale qui dénoue les fils les plus embrouillés sans les rompre : emporté, violent, dépassant la mesure dans les discussions parlementaires, mais cependant écouté et respecté dans les chambres par des collègues qui honorent en lui une vie politique toujours droite, il eut le tort grave d’introduire dans les relations de cabinet ces brusqueries de langage que la camaraderie crépie supportait ailleurs, mais qui sur le terrain diplomatique amenaient ses adversaires à le combattre avec les mêmes armes, — éloignant ainsi l’heure des transactions, et réduisant son gouvernement, pacifique par nécessité, à des concessions que plus de modération lui eût épargnées.

Après l’échec des deux précédens négociateurs, M. Tejedor eût vainement cherché un successeur au général Mitre, et ne pouvait réserver ce rôle qu’à lui-même. Toute l’année 1871 se passa au milieu des complications intérieures occasionnées par la lutte électorale et la révolution de septembre. Ce ne fut qu’au mois de mai de cette année que M. Tejedor, sorti du ministère, put se rendre à Rio pour reprendre les négociations. Le seul pas qu’eût fait la question, dû sans doute aux embarras financiers que causait au Brésil l’entretien d’une flotte et d’une armée de terre au Paraguay, était la proposition de reprendre les négociations sur la base d’un arbitrage limité au territoire de la Ville-Occidentale. M. Tejedor y répondit en acceptant même la rétrocession de ce territoire sous la condition de remise immédiate de l’île de Cerrito par le Brésil à la république argentine. Ces pourparlers, qui avaient pour but de fixer le point de départ des négociations, suffisaient à démontrer que la question paraguayenne n’était autre chose qu’une question exclusivement brésilienne : l’un et l’autre des intéressés savait qu’il exigeait de son adversaire une concession inadmissible, et qu’il se donnait gratuitement les apparences d’un esprit de conciliation prêt