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Feu, il se réservait le droit de donner des autorisations pour l’extraction du guano, menaçant en même temps de confiscation tout navire qui se présenterait pour cette exploitation sans son autorisation préalable. On devait s’attendre à une protestation du gouvernement argentin ; le ministre de la république chilienne, prenant les devans, annonça que le Chili n’avait pas eu l’intention de s’opposer à la juridiction exercée par la république argentine sur les côtes atlantiques et que ses intentions n’allaient pas au-delà d’une prohibition d’extraire du guano sur les côtes mêmes du détroit. Quelque réduites que devinssent ainsi les prétentions chiliennes par cette déclaration, elles ne pouvaient être admises par le gouvernement argentin, qui prétend limiter la juridiction chilienne à la Patagonie orientale, s’arrêtant aux crêtes des Andes, comme le reste, du territoire chilien.

La question se trouvait dès lors posée, et jusqu’à ce jour n’a pas été résolue. Au début, lors de la fondation de ses colonies en 1843 et 1847 et en 1856, lorsqu’il signa son traité avec le gouvernement de Buenos-Ayres, le Chili considéra comme le maximum de son droit la possibilité d’occuper une des bouches du détroit ; en 1872, ses prétentions, jusque-là vagues, ont grandi ! D’abord il prétend à un droit de propriété sur les terres magellaniques ; substituant bientôt à ce mot celui de patagoniques, il en arrive à réclamer comme siennes les 20,000 lieues carrées de territoire qui, selon lui, forment la Patagonie. La république argentine de son côté ne veut pas renoncer à ses droits sur l’entrée du détroit de Magellan du côté de l’Atlantique ; elle est disposée toutefois à en assurer la libre navigation au commerce du monde.

A la suite de longs préliminaires, les deux gouvernemens furent amenés à discuter en principe au point de vue historique ’et géographique leurs droits à ces territoires. Le Chili avait contre lui des faits historiques, et même des déclarations antérieures beaucoup trop explicites de son gouvernement. L’article premier de la constitution de 1836 énonce que le territoire du Chili s’étend depuis le détroit d’Atacama au nord jusqu’au cap Horn, et depuis la Cordillère des Arides jusqu’au Pacifique, comprenant en plus l’archipel de Chiloe, toutes les îles qui en dépendent et celles de Juan Fernandez. Cette loi fondamentale n’a jamais été contestée au Chili et a servi de base pour déterminer les limites de la Bolivie dans le désert d’Atacama. En 1843, c’est encore cet article que l’on invoque en célébrant la fondation de la colonie du Bulnès, et le message de l’exécutif déclare que c’est pour donner à la constitution itoute la portée dont elle est susceptible que l’on fait cette tentative de colonisation. Enfin, lors du traité signé en 1843 avec l’Espagne,