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qu’il fût au souverain lui-même, il était resté ministre parce que George III ne trouvait qui mettre à sa place. Il avait fait voter l’impôt sur les colonies de l’Amérique du Nord qui fut l’origine de l’insurrection américaine ; il avait en maintes circonstances blessé le roi, qui n’avait renvoyé Pitt, quatre ans auparavant, que parce qu’il entendait être le maître. Enfin le marquis de Rockingham fut chargé de composer un nouveau ministère. C’était un homme de bon sens et de bonne réputation, son plus grand défaut était d’être médiocre et de n’être entouré que d’hommes médiocres ; le parti whig ne comptait plus d’hommes capables depuis la retraite de lord Chatam, qui, malade et mécontent, ne voulait pas rentrer aux affaires. Il s’y décida bien quelques mois plus tard et reparut alors en compagnie du duc de Grafton ; il ne fut, on le sait, qu’un chef nominal, vivant à l’écart, en dehors de Londres, incapable d’imposer à ses collègues et au parlement la forte direction que l’on avait coutume de recevoir de lui.

Wilkes était sans ressources lorsqu’il s’était réfugié à Paris après sa condamnation, car la fortune qu’il avait possédée était dissipée depuis longtemps. Il vivait d’une pension annuelle de 1,000 livres sterling que lui faisaient passer les membres de l’opposition libérale, le marquis de Rockingham en tête. Il n’était pas en moins bons termes avec Pitt et le duc de Grafton. Il se flatta d’être enfin dédommagé en apprenant que ses amis rentraient au pouvoir : espoir bientôt déçu. Ceux-ci l’invitèrent à prolonger son séjour en France. La seule satisfaction qu’il obtint fut un vote de la chambre des communes qui proclamait l’illégalité des mandats d’amener généraux, Ce n’était pas assez ; aussi écrivait-il tristement à l’un de ses confidens : « On ne peut jamais compter sur les ministres dans notre pays. Les whigs, en arrivant au pouvoir, deviennent aussitôt tories, quoique les tories, hélas ! ne deviennent jamais whigs. » Malgré tout, il revint à Londres au mois de mars 1768 sans prendre la peine de se cacher ; il écrivit une lettre au roi pour solliciter sa clémence. Bien que l’opinion des ministres lui fût favorable, il n’obtint aucune réponse. Voyant cela, comme le parlement venait d’être dissous, il eut l’audace de se porter candidat dans la cité de Londres. Le scrutin ne lui fut pas favorable ; alors il se présenta aux électeurs du Middlesex. Il avait là des amis dévoués, entre autres le ministre anglican Horne Tooke, ecclésiastique turbulent, qui plus tard fit à son tour beaucoup parler de sa personne. Le comte Temple, le duc de Portland, l’appuyaient chaudement. Bref, il fut élu par les électeurs du Middlesex.

Autant les amis du roi étaient consternés, autant la populace se montra joyeuse de cet événement. Non contente de manifester sa