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LES
TABLES EUGUBINES

Le progrès accompli en ce siècle par l’étude des langues ne se manifeste pas seulement dans la classification nouvelle des idiomes, dans les vues sur l’origine du langage, dans l’analyse du mécanisme de la parole. Certaines questions, formant comme autant de problèmes à part que les âges antérieurs nous avaient légués après s’y être fatigués vainement, ont trouvé de nos jours leur solution parce qu’on les a enfin abordées avec la préparation nécessaire. De ce nombre est l’énigme que présentaient les inscriptions connues sous le nom de Tables eugubines. Ces plaques de bronze, qui depuis quatre siècles avaient fait la joie et le tourment de tant de savans, et au sujet desquelles M. Richard Lepsius pouvait encore écrire en 1833 qu’on croit rêver quand on met les résultats obtenus en regard du temps et des efforts dépensés, ont fini par livrer leur secret, et si elles recèlent encore beaucoup de points douteux à débattre, beaucoup de recoins à éclairer, il est permis de dire que la lumière est faite sur l’ensemble. Peut-être aucune autre histoire ne montre mieux le chemin parcouru par la science, car il ne s’est pas produit sur ce domaine une découverte inattendue comme celle de l’inscription de Rosette pour le déchiffrement des hiéroglyphes, ou comme celle du sanscrit pour les origines du grec et du latin. Les données principales qui ont servi à l’interprétation de ces textes étaient déjà à la disposition des savans du XVIe et du XVIIe siècle; mais il manquait une série de renseignemens secondaires dont le défaut empêchait tout progrès sérieux. Il manquait surtout une juste appréciation de ce qui en linguistique est ou n’est point possible. Il a fallu que sur d’autres idiomes le coup d’œil philologique se fût exercé et aiguisé, pour que, revenant ensuite à cet ancien