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spéciaux à cette île, menacent de disparaître par extinction devant la triple influence de l’homme, des chèvres et des acacia de l’Australie.

Pour en revenir de plus près à la naturalisation, M. Alphonse de Candolle y distingue avec raison plusieurs degrés. Au sens le plus absolu, la plante naturalisée doit se maintenir elle-même dans son pays d’adoption, en traverser plusieurs années les crises climatologiques extrêmes, s’y multiplier de ses graines, bref, s’y comporter comme une plante indigène. Toute plante qui, par suite d’importation accidentelle ou répétée, ne fait que traverser un pays sans s’y maintenir est simplement adventive ; d’autres, qui se propagent spontanément par drageons, mais non par graines, comme le vernis du Japon, ne sont qu’à demi naturalisées, ou plutôt les individus le sont, mais non l’espèce, car le sceau de la naturalisation comporte justement la multiplication spontanée par les semis successifs. Au-dessous de ces trois degrés, — naturalisation complète, demi-naturalisation, adventivité passagère, — se rangent deux autres catégories : celle des plantes qui suivent l’homme et les animaux domestiques, ne s’éloignant jamais de leur demeure ou de leurs cultures (plantes de décombres, plantes des moissons ; ce sont, à vrai dire, des étrangères admises par privilège au foyer de la domesticité, mais non au banquet de la nature sauvage ; puis les plantes cultivées proprement dites, soit domestiques, soit sauvages, — mais, dans les deux cas, ne vivant en sol étranger que grâce aux soins assidus et nécessaires de l’homme.

Ce dernier cas est jusqu’à présent celui de l’eucalyptus, au moins en ce qui concerne le sud extrême de l’Europe et de l’Afrique septentrionale. L’arbre y est introduit, cultivé en grand, adapté d’avance au climat par sa nature, non encore naturalisé. Au reste, ces distinctions importent peu lorsque le résultat pratique est le même ; rien ne dit d’ailleurs que ce bel arbre ne se propagera pas un jour spontanément. En attendant, ne pouvant le suivre dans son tour du monde, au cap de Bonne-Espérance, dans la république argentine, en Californie, à Cuba, etc., attachons-nous à tracer l’histoire de sa récente introduction dans la région de notre littoral de la Provence, des Alpes-Maritimes et surtout de l’Afrique française.

Ici nous retrouverons en première ligne les noms de MM. Ferdinand Mueller et Ramel, Allemand de naissance, Anglo-Australien d’adoption ; le premier (baron F. von Mueller) s’est distingué comme voyageur naturaliste par ses longues et fructueuses explorations de la flore de l’Australie. Attaché plus de vingt ans comme directeur au jardin botanique de Melbourne, il a fait de cet établissement le centre d’échange le plus étendu qui soit peut-être pour les plantes