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traitement hygiénique ; on peut ensuite les combattre directement et individuellement par des remèdes : c’est l’application thérapeutique des fébrifuges. Examinons sous ces deux aspects le rôle de l’eucalyptus.

C’est une observation ancienne que les pays où ce bel arbre forme naturellement des forêts sont en général très salubres ; mais on pouvait attribuer ce fait à l’influence du climat. M. Ramel, cédant peut-être à son insu à une partialité facile à comprendre pour son arbre favori, mit cet avantage sanitaire sur le compte de l’eucalyptus. De là sa première idée de l’action hygiénique de l’arbre, notion d’abord confuse et peu raisonnée, mais qui prit corps, dans son esprit à mesure que des plantations du blue gum dans les terrains marécageux de diverses parties du monde apportèrent à cette simple présomption le témoignage de preuves irrécusables. On a cité d’abord le Cap de Bonne-Espérance, où l’arbre australien, transporté par des colons de Victoria et de la Nouvelle-Zélande, aurait en deux ou trois ans rendu salubres des portions malsaines du pays ; l’expérience s’est faite ensuite en Espagne, où l’eucalyptus, introduit en 1860 par les soins de la Société d’acclimatation, prospère dans les provinces de Cadix, de Séville, de Cordoue, de Valence, de Barcelone ; la Corse, l’Algérie, dans leurs parties marécageuses, fournirent encore d’autres exemples du fait, observations d’autant moins suspectes qu’elles venaient de médecins habiles, notamment du docteur Carlotti.

L’action incontestablement salutaire des massifs d’eucalyptus peut s’expliquer par deux causes combinées, d’abord par un simple effet de dessèchement opéré dans le soi marécageux par la puissante succion des racines et l’exhalaison correspondante des feuilles, ensuite par les émanations balsamiques que les parties aériennes de l’arbre répandent à profusion dans l’atmosphère. Ces effluves, dont la base volatile est une huile essentielle, peuvent agir sur l’organisme à titre d’excitant général, et l’on sait combien les circumfusa de ce genre, par exemple les émanations aromatiques des pins, sont favorables à la santé et même curatives pour des maladies des voies respiratoires et des états de faiblesse appelant la médication tonique excitante. M. Gubler pense même que l’essence volatilisée de l’eucalyptus pourrait bien avoir une action directe et destructive sur les germes inconnus qui semblent liés aux miasmes paludéens, germes qui, pour des auteurs récens, ne seraient que des algues microscopiques, qui, pour d’autres, entreraient dans la catégorie mal définie des organites de nature animale. Quoi qu’il en soit de cette hypothèse, l’influence hygiénique de l’eucalyptus agissant pas masses n’en est pas moins établie, et c’est là pratiquement le fait capital