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contribuaient. Disons sur-le-champ que notre attente ne sera pas trompée. Dans ces esprits inventifs et ces hommes d’affaires, nous allons trouver des cœurs généreux et des gens de bien.

Avant de se mettre à l’action, ils en créèrent d’abord les instrumens. Le point principal était de s’entendre, le second de se défendre au besoin. Ils fondèrent une société, la Société industrielle de Mulhouse, qui remonte aux années de la restauration, lui donnèrent amplement les moyens de vivre, et la fortifièrent par un bulletin mensuel qui rendait compte de ses travaux. Ils avaient deux objets en vue, le dessein de livrer libéralement à la publicité les perfectionnemens qui pouvaient survenir dans leur industrie, en tant que l’eût permis le respect des brevets, puis d’en surveiller la législation pour y introduire les améliorations dont elle était susceptible. Les occasions ne manquèrent pas.

On sait tout le bruit qui s’est fait en Europe autour de la question du travail des enfans et des femmes dans les manufactures. Tous les parlemens s’en sont occupés, le parlement anglais surtout, et à plusieurs reprises il a modifié à ce sujet et sa loi et sa jurisprudence. En France, l’œuvre a été prise, reprise et quittée à diverses époques par les chambres des députés et des pairs, par les assemblées républicaines, et plus récemment par le corps législatif du second empire ; elle vient d’être fixée en dernier lieu par l’assemblée nationale. Ce qu’on a trop oublié et ce qu’il est bon de rappeler, c’est que les premières réclamations, qui datent de 1827, partirent de la Société industrielle de Mulhouse. Des fabricans se portaient ainsi au secours des classes qu’ils employaient et signalaient les abus qui avaient lieu des forces et des facultés de l’enfance. Le redressement de ces griefs n’est venu que plus tard, bien tard sans doute, mais dès cette date ils étaient signalés, et c’est des ateliers de la Haute-Alsace que le premier cri d’alarme était parti. Il y a plus : à défaut de la loi qui manquait, il s’établit dès lors soit localement, soit particulièrement, des coutumes- plus humaines, et ce ménagement de l’enfant, qu’aucun tribunal n’imposait, entra du moins dans les mœurs ; on fixa des limites d’âge à l’admission de l’enfant, d’autres limites à la durée du travail, qu’on entrecoupa de relais. Tout cela sans doute n’était pas obligatoire, mais on allait volontairement au-devant d’une réforme qu’on avait désirée.

Sur un autre point, il y eut une seconde tentative, qui n’avait pas un moindre intérêt. A côté de la faiblesse de l’enfant, il y avait l’imprévoyance de l’homme ; c’est pour l’en guérir ou du moins pour en atténuer les effets qu’il se forma à Mulhouse un groupe de fabricans sous le titre d’Association pour l’encouragement à l’épargne. Or cet encouragement n’était pas purement platonique ; il consistait en une prime d’argent attachée à la pratique de cette