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parole d’un parti politique que nos pères ont trop connu. Quand nous voyons un noble et libre esprit dont les ailes ont touché aux plus hauts sommets de la philosophie et de la critique, un esprit lait pour les grands débats d’une constituante, tomber, au-dessous de la convention, dans les étroites et farouches préoccupations d’une société de jacobins, nous ne pouvons nous défendre d’un douloureux sentiment de regret pour l’orateur et d’inquiétude pour l’avenir de notre pays. Où en sommes-nous donc pour que de tels esprits épuisent leur talent à soutenir de pareilles thèses ? Pour répondre à ce manifeste d’une école qu’on devait croire morte avec tant d’autres qui veulent revivre maintenant, le rapporteur de la commission n’a eu qu’à mettre au service d’une bonne cause le bon sens, l’esprit, la grâce de langage, qui ont charmé et persuadé la grande majorité de l’assemblée dans cette intéressante discussion. Ce n’est pas seulement à M. Challemel que M. Laboulaye a répondu, c’est à tous les orateurs, de droite ou de gauche, qui ont attaqué ou critiqué le projet de loi sorti des mains de la commission, et il l’a fait en dirigeant le débat avec l’habileté consommée d’un rapporteur qui sait maintenir les principes et les conclusions de son rapport tout en se prêtant, dans une mesure convenable, aux transactions propres à assurer le succès de la loi sans en changer le caractère et la portée. Nous ferions un compte infidèle du débat, si nous omettions de dire que des esprits vraiment libéraux de la gauche, comme MM. Beaussire, Bardoux, Pascal Duprat, sont venus lui prêter le concours de leur parole, d’autant plus propre à convaincre l’assemblée qu’elle n’a mis aucune passion au service de la vérité. C’est l’autorité des principes, c’est la justice et la sagesse pratique faisant la part à toutes les prétentions légitimes, qui ont seules inspiré ces excellens discours.


II

De quoi s’agit-il dans le projet de loi soumis aux délibérations du parlement ? De la liberté de l’enseignement supérieur, qu’il ne faut pas confondre avec la liberté de la parole publique en général. Ce n’est pas des discours ni des conférences et autres exercices de ce genre actuellement soumis au régime de l’autorisation préalable qu’il est question en ce moment ; c’est de cet enseignement qui vient, non pour tous, mais pour l’élite des esprits, compléter et couronner l’enseignement donné dans les écoles secondaires, collèges et lycées de l’état ou institutions libres. Encore une fois, la loi actuelle ne vient pas introduire une liberté nouvelle dans l’enseignement public ; elle se borne à proposer d’appliquer un principe reconnu et généralement accepté à une branche de