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cérémonie vraiment splendide, où assistent toutes les fenimes du harem et toute la cour, que Nitétis se trouve mal en entendant Bartja, revenu de son expédition, solliciter l’agrément de son frère pour épouser Sappho. Cambyse ne doute plus que l’Égyptienne n’aime le jeune prince. Afin d’oublier quelques heures l’affront qui vient de lui être infligé devant ses peuples, il s’élance sur un cheval et perce de ses flèches les fauves errans dans les parcs immenses où chassaient les Achéménides.

La conjuration des épouses de Cambyse et la haine implacable du chef des eunuques Font emporté. L’Égyptienne est perdue. Le roi de Perse en effet ignorait que Nitétis avait reçu de sa mère une longue et triste lettre. — Amasis était presque aveugle ; Psammétik avait livré l’Égypte aux prêtres. Tachot, sa pauvre sœur, était tombée dans un marasme mortel ; elle se desséchait comme une fleur flétrie : Bartja n’aurait plus reconnu la frêle et blonde fille qui se mourait d’amour pour lui, bien loin, dans le pays du Nil. Tachot ne pouvait détacher ses regards de l’image en cire du jeune prince, œuvre du Samien Théodoros ; ni les recettes des médecins, ni les amulettes et les sacrifices des prêtres ne la soulageaient. — Nitétis aurait tout donné pour que Bartja aimât sa sœur : quand elle entendit qu’il en aimait une autre, elle crut voir déjà la momie de Tachot descendre dans un hypogée, et s’évanouit. De là l’erreur et le courroux de Cambyse ; mais ce n’en était pas encore assez. Nitétis avait parmi ses femmes une nommée Mandane, jeune fille promise à un frère du grand-prêtre Oropastès, au mage Gaumata, qui ressemblait de tous points à Bartja : l’eunuque Bogès procura une entrevue aux deux amans, la nuit, et aposta des gens dans les jardins pour témoigner qu’ils avaient, vu le frère du roi sortir de la demeure de Nitétis.

Bartja est arrêté avec ses jeunes et joyeux compagnons ; Darius avait lu son destin dans les astres ; Crésus le suppliait de fuir en Égypte : il jura qu’il était innocent, dédaigna le péril. Ce fut entre deux accès d’épilepsie que Cambyse, assisté des grands de la cour et des mages, rendit un arrêt de mort contre son frère. Le roi roule sur les dalles de marbre, aux pieds de ses médecins, qui l’emportent, blême et les traits convulsés, sur un lit d’or. Lorsque Cambyse rouvrit les yeux, sa mère Cassandane était à son chevet, suppliante ; mais, en proie à la manie furieuse qui suit de tels accès, le fils n’écoutait point la mère. Bartja allait mourir, quand un Hellène est introduit devant Cambyse par Hystaspe, le vieux père de Darius : c’est Phanès, l’ancien chef des mercenaires grecs, échappé à la haine de Psammétik. Arrivé à Babylone, il savait déjà ce qui s’y passait, avait tout deviné. Il raconte qu’il a sauvé la vie d’un homme