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Troisième faute enfin : s’il y avait des négociations, elles devaient être sérieuses et précises, elles devaient engager la responsabilité des négociateurs appelés à y prendre part. Si elles échouaient, le pays était intéressé à savoir qui prenait cette responsabilité de se refuser à une œuvre de patriotique conciliation ; si elles avaient un dénoûment heureux, ceux qui étaient chargés de les conduire devaient avoir aussi la mission d’en porter et d’en défendre le résultat devant l’assemblée. L’honneur de l’inspiration supérieure serait toujours resté à M. le maréchal de Mac-Mahon, et on aurait procédé sérieusement au lieu de commencer par une recherche raffinée de toutes les combinaisons évasives pour finir par des récriminations inutiles contre le centre gauche, qui aurait manqué à ses engagemens, qui avait accepté, dit-on, la priorité de la discussion sur le sénat moyennant la connexité avec les autres lois constitutionnelles.

La « trahison du centre gauche, » voilà le grand mot de la séance du 6 janvier ! La vérité est qu’il y a eu sûrement un malentendu tenant précisément à ce vague de négociations mal définies, que M. Dufaure, M. Casimir Perier, M. Léon Say, ne se sont nullement considérés comme liés par les conférences de l’Elysée, qu’on n’ignorait pas leur opinion, et que, si l’on s’est décidé à passer outre, c’est qu’on a cru jusqu’au bout pouvoir compter sur un vote de raison, de résignation, d’une partie du centre gauche. C’eût été sans doute désirable qu’il en fût ainsi, ce n’était point après tout une obligation du centre gauche. A quoi sert aujourd’hui d’échanger des paroles amères, de déclarer à jamais rompues des négociations auxquelles on ne doit renoncer qu’à la dernière extrémité et de se renvoyer une responsabilité qui en définitive appartient un peu à tout le monde ? A quoi bon surtout chercher obstinément la main et les instigations de M. Thiers dans des déconvenues qui ont une explication trop plausible ? C’est M. Thiers qui fait tout ! C’est M. Thiers qui a détourné le centre gauche au moment décisif le 6 janvier ! Il y a dans l’assemblée des hommes qui ont positivement l’idée fixe de M. Thiers ! L’ancien président de la république a certainement d’autres préoccupations, et le tort du centre droit est de ne pas comprendre que rien de ce qui vient de se passer ne serait arrivé, si, au lieu de se perdre dans des expédiens de rédaction, il avait pris la question de plus haut, acceptant simplement, sans réticence, l’organisation constitutionnelle pour ce qu’elle est, sous un nom qu’on ne peut effacer, avec la réserve de la souveraineté nationale au terme du septennat. Le pouvait-il ? Les hommes d’habileté et d’esprit qui ont le droit de parler pour lui n’ont-ils point, eux aussi, la queue de leur parti ? Ne comptent-ils pas derrière eux des intraitables qui sont tout près de les regarder comme des traîtres, parce qu’ils sont entrés en conférence avec des foudres de radicalisme tels que M. Dufaure