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synagogue samaritaine, la grande curiosité de Naplouse. Par elle-même, cette synagogue n’a rien de remarquable : c’est une salle assez petite, blanchie à la chaux, ornée de quatre ou cinq lampes de verre et de quelques tapis ; mais on y montre le fameux Penta-teuque samaritain, contemporain du schisme à en croire ses lecteurs. Ce patriarche des livres est un vénérable volume de parchemin, enroulé sur lui-même comme ceux des anciens, plié dans une précieuse étoffe de soie, enfermé dans une boîte de métal curieusement niellée, et couvert de caractères bizarres ; ils appartiennent à un des anciens alphabets qui ont tour à tour servi de signes à la langue hébraïque et au dialecte samaritain. En réalité, cette copie d’un texte antérieur à Jésus-Christ remonte aux premiers siècles de notre ère : peu de manuscrits pourraient produire de pareils quartiers.

A côté de la synagogue, dans une petite cave encombrée de livres, habite l’âme de ce lieu, le Quasimodo de ce temple, le pontife de la religion samaritaine. Ce beau vieillard, à opulente barbe blanche, vêtu d’une riche robe de soie jaune sous la lévite de fin que les fidèles endossent avant de prier, est accroupi sur un divan dans son antre, et psalmodie le livre saint ; il ferait un superbe pendant au vieux Turc que nous avons aperçu lisant le Coran dans une maison de Damas. Il faut venir en Orient pour retrouver de ces fantastiques Rembrandt en chair et en os. — Le grand-prêtre répond obligeamment aux questions que nous lui faisons sur sa secte par l’intermédiaire de notre drogman.

On sait que les Samaritains ou Couthéens, comme les appelaient les Juifs, sont descendus de ces colons babyloniens de Couth et de Sépharvaïm que Salmanazar envoya en Samarie pour repeupler le pays après la captivité d’Israël. Ils embrassèrent la loi mosaïque, tout en y mêlant pendant longtemps le culte de leurs dieux nationaux. Repoussés par les Juifs, lorsqu’ils voulurent s’unir à eux pour rebâtir le temple, ils élevèrent sur le mont Garizim un sanctuaire rival de celui de Sion et rejetèrent tous les livres canoniques à l’exception du Pentateuque. Cette secte, le plus frappant exemple de l’immobilité religieuse, s’est conservée jusqu’à nous telle qu’elle s’est constituée il y a deux mille cinq cents ans. Elle continue à célébrer la pâque sur la montagne sacrée. Le grand-rabbin nous apprend que le pontificat est héréditaire dans sa famille, issue, à l’en croire, du lévite Aaron. On se rappelle quelle a été de tout temps la haine des Juifs contre les Samaritains : l’Évangile en atteste la persistance. Les fidèles que nous voyons prier à la synagogue dans leurs tuniques blanches n’ont aucun des traits caractéristiques de l’immuable type hébreu. C’est un des faits les plus curieux de