Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/645

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’été de 1873, qui atteignit les chevaux eux-mêmes. Sans doute il faut faire la part d’un climat incroyablement chaud aux jours caniculaires, plus chaud quelquefois que celui des Antilles voisines, comme cela s’est vu pour l’été de 1870. Il faut aussi tenir compte de certaines circonstances météorologiques exceptionnelles, telles que la sécheresse, la raréfaction, la tension électrique de l’air, qui est si grande par momens que l’on tire des étincelles des cheveux par le passage du peigne, des tapis par celui du balai, et qu’on allume le gaz sans feu par le simple rapprochement du doigt[1] ; mais il est certain que l’abus, l’imbibition continue de l’alcool, surtout par les temps d’extrême chaleur, doit entrer pour une part notable dans les effets de ces coups de soleil qui renversent et tuent un homme sur place comme le ferait un coup de foudre. Nulle part ailleurs qu’aux États-Unis les insolations n’ont ce résultat mortel sur une aussi grande échelle et avec autant de continuité. Les savans n’ont donné encore aucune explication satisfaisante de cet étrange phénomène ; mais bon nombre de médecins n’hésitent pas à chercher dans l’abus quotidien des boissons fortes une des causes les plus directes du foudroiement par les insolations.

Ce fut pour parer, au moins en partie, aux maux de tout genre qu’on vient de rappeler que la législature de l’état de New-York en 1864 passa un bill où elle chargeait les commissaires du département de charité et de correction de bâtir un asile pour la réforme des ivrognes. Ce genre d’établissement n’était pas nouveau en Amérique, où il en existe quelques-uns de célèbres. Le département s’empressa de bâtir un asile dans l’île de Ward, tout auprès des rives, dans une situation des mieux choisies. On l’ouvrit aux ivrognes en 1868. Avec une sollicitude vraiment paternelle, on y a pourvu à l’admission de toutes les classes de buveurs. Aux riches, on a ménagé tout le confort auquel ils ont été jusque-là habitués, et ton est passé par degrés aux buveurs des classes moyennes et des classes pauvres.

Il y a deux sortes de pensionnaires dans l’établissement : les pensionnaires forcés, envoyés par les tribunaux correctionnels pour s’amender ou achever dans l’asile leur temps de prison, et les pensionnaires libres. Les uns et les autres étaient naturellement, avant d’entrer, entièrement adonnés à l’ivrognerie. Quelques-uns arrivent pris complètement de boisson, ivres-morts, en proie au delirium ou à une attaque d’épilepsie. Les pensionnaires libres se présentent d’eux-mêmes à cette maison réformatrice ; plus souvent ils y sont amenés soit par force, soit par persuasion, par leurs

  1. Ces curieux phénomènes d’électricité atmosphérique ne sont pas particuliers aux États-Unis ; on les a signalés aussi dans quelques autres contrées, notamment au Mexique.