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Les consulats français sont généralement bien organisés pour remplir leurs attributions judiciaires ; les appels sont portés devant la cour d’Aix, dont les arrêts obtiennent la plus légitime autorité. Nos nationaux, quand ils sont défendeurs dans les procès et par conséquent soumis à la justice française, n’auraient donc pas à souhaiter la modification du régime actuel. Il y a pourtant à tenir compte de la situation qui leur est faite quand ils sont demandeurs, obligés de subir le jugement des consulats étrangers, qui n’offrent point tous de semblables garanties, ou des tribunaux exclusivement égyptiens.

Le khédive ne considéra point comme suffisantes les conclusions émises par la commission française de 1867. Il eut plus de succès auprès des autres gouvernemens européens, dont la plupart n’avaient point les mêmes motifs que la France pour insister sur le maintien de la juridiction consulaire, et il lui fut aisé d’obtenir qu’une commission internationale, comprenant les délégués de toutes les puissances intéressées, fût convoquée au Caire en 1869 pour étudier sur place et dans tous ses détails le plan de réforme préparé par Nubar-Pacha. La France, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, la Russie et les États-Unis répondirent à cet appel. Les travaux de la conférence du Caire devaient éclairer les différens aspects de la question et exercer sur les résolutions des gouvernemens une influence décisive. La plupart des délégués connaissaient parfaitement l’Égypte, où ils avaient été chargés de fonctions consulaires. Ils étaient donc en mesure d’apprécier les vices nombreux du régime que Nubar-Pacha, présent à cette conférence, leur proposait de réformer. Il suffira d’indiquer les points les plus graves qui occupèrent l’attention de la commission.

En premier lieu, chaque consul étant constitué juge pour les causes où ses nationaux avaient la situation de défendeurs, la décision des procès appartenait à dix-sept consulats, c’est-à-dire à dix-sept tribunaux différens, et, lorsqu’il s’agissait d’intenter un procès à un indigène, il fallait, d’après la même règle, s’adresser au cadi. On comprend les inconvéniens de cette multiplicité judiciaire. Chaque consulat jugeait selon sa loi et selon sa procédure ; par conséquent il y avait souvent dans les décisions rendues pour des affaires analogues de choquantes contradictions. Quand un Français avait une instance à former contre un Anglais, un Russe ou un Brésilien, il devait au préalable se mettre au courant des lois et de la jurisprudence en vigueur dans le pays de son adversaire. S’il gagnait son procès et que le jugement fût frappé d’appel, il était obligé d’aller plaider de nouveau à Londres, à Odessa ou à Rio-Janeiro. Lorsqu’il y avait en cause plusieurs plaideurs appartenant à des nationalités différentes, le même procès se trouvait engagé devant