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ans. On comprend les difficultés insurmontables qu’une pareille législation peut apporter dans les questions de légitimité. Une question de ce genre s’étant présentée en appel et ayant été déférée au conseil du droit musulman, un membre finit par trouver dans les textes innombrables du Coran et de ses commentateurs un texte formel disant ou permettant de dire absolument comme la loi française, et fixant à neuf mois la gestation de la femme ; ce qui fut aussitôt et définitivement admis par la jurisprudence musulmane, puisque c’était écrit dans le Coran. » D’autres exemples prouveraient sans doute que l’interprétation de la loi du prophète peut se ressentir des relations établies entre les docteurs musulmans et les juges chrétiens. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi en Égypte, au milieu d’une population très mêlée, que la diversité des religions rend généralement tolérante, et sous un gouvernement qui accueille volontiers les idées européennes ? La réforme judiciaire ne détachera point les Turcs du respect qu’ils portent au Coran, les Turcs resteront toujours Turcs ; mais on ne saurait absolument repousser l’espoir, si faible qu’il soit, d’une sorte de transaction qui rendra plus facile le contact des deux races, et favorisera davantage l’établissement des Européens dans les pays orientaux. C’est tout ce que l’on doit souhaiter pour le moment ; cela suffit à la satisfaction des intérêts matériels qui ont acquis une importance si considérable, et peut conduire au progrès intellectuel et moral d’une contrée qui semble désireuse de s’ouvrir à la civilisation européenne.

Tous les cabinets ont accepté l’essai du plan de réforme. Le gouvernement français, pénétré des devoirs que lui trace la politique traditionnelle de notre pays en Orient, n’a donné son assentiment que le dernier, après avoir obtenu un surcroît de garanties et sur l’avis d’une commission spéciale dans laquelle étaient représentés les ministères de la justice et des affaires étrangères. Cette commission, réunie en mai 1874, n’avait plus à reprendre la discussion détaillée du projet, comme l’avaient fait les commissions françaises de 1867 et de 1870, la conférence internationale du Caire en 1869, les conférences diplomatiques de Constantinople en 1873 ; elle avait à se prononcer sur le point de savoir si, en présence de l’adhésion des autres cabinets, notre gouvernement pouvait tenter utilement de nouveaux efforts pour faire prévaloir son insistance sur certaines questions spéciales, et s’il devait, en l’état des choses, accepter ou refuser définitivement le régime qui était sorti de si laborieuses négociations. L’avis de la commission fut presque unanime, et il n’en pouvait être autrement, car l’acceptation par la France était forcée du moment que l’Angleterre, l’Autriche, la Russie, les États-Unis, etc., supprimant leurs tribunaux consulaires,