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quelques-uns de ces cantiques pleins d’une sorte de poésie mystique, que les Yankees, ces descendans des pèlerins, entonnent à toute occasion, tel que celui qui commence ainsi : « Frère, il y a une lumière pour toi à la fenêtre, » ou bien : « C’est ici l’abri de ceux qui sont fatigués. » Les enfans, à la fois étonnés et charmés de trouver dans ces vers une application à eux-mêmes, les chantaient avec des voix gracieuses qu’on n’aurait pas le plus souvent attendues de ces pauvres êtres, pendant que gravement le maître accompagnait au piano en dirigeant le chœur.

L’heureux surveillant du logis Fulton mit le comble à ses succès en instituant une vaste tirelire, qu’il décora du nom de banque. Il avait remarqué avec quelle facilité les enfans dépensaient tout ce qu’ils gagnaient, surtout au jeu ou dans des loteries. Une légende a cours parmi eux : un jour, un gamin a gagné à la loterie 100 dollars. Pour tenter de faire comme lui, ils organisent entre eux à tout propos de petites loteries, dont la police vient quelquefois déranger les tirages, quand elle n’empoche pas aussi les mises. Peu à peu M. Tracy sut habituer ces enfans à faire quelque épargne et à la jeter, en entrant le soir au logis, dans une espèce de tirelire à leur nom. Je laisse à penser quelle joie quand, au bout de quelques semaines, chaque boy se vit à la tête d’un petit capital ; il n’en avait jamais possédé autant. Que faire de tant d’argent ? L’envoyer à une caisse d’épargne, à une savings bank, c’est ce que l’on décida.


II. — LES ENFANS DES RUES ET LES QUARTIERS PAUVRES.

La plupart des enfans des rues exercent un petit métier, et y gagnent tant bien que mal le pain quotidien ; plusieurs même y trouvent de quoi venir en aide à de vieux parens. Un bon nombre vendent des journaux qu’ils crient à tout venant, allant, courant sur les trottoirs, au coin des rues les plus fréquentées, autour des voitures de place, devant les hôtels, montant dans les véhicules publics, les cars des tramways et les omnibus, où on les laisse librement pénétrer. Voici le Daily-News ou le Telegraph, le Graphic illustré et quotidien ; voici tous les petits journaux de l’après-midi et du soir, à 1 cent, à 2 cents, dont la vente est réservée à ces enfans, et qui paraissent après la bourse, quand les cours et les nouvelles de la journée sont connus. Quelques-unes de ces feuilles tirent à plus de cent mille exemplaires, ont plusieurs éditions, et les enfans qui les vendent, garçons ou petites filles, y réalisent quelquefois un bénéfice net qui va jusqu’à un dollar par jour, 5 francs. On les désigne laconiquement sous le nom de news-boys ou enfans des journaux. L’œil éveillé, l’air mutin, on a plaisir