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FLAMARANDE.

affaire. — C’est fort bien, me dit-il, je vous donne un mois de congé. Vous aurez le temps de vous informer de la santé de l’autre, vous écrirez à la Niçoise, et vous saurez si elle ne manque de rien. Nous n’avons personne dans notre secret, il faut qu’elle ait tout intérêt à le garder.

Je ne confiai point à M. le comte que j’avais le projet d’aller à Nice et de voir par moi-même. J’avais un impérieux besoin de me préoccuper du pauvre enfant, j’en rêvais toutes les nuits ; j’étais comme un homme qui a un crime sur la conscience.

XXVII.

J’allai donc à la forteresse des templiers, jouant toujours mon rôle de pasteur charitable, et je trouvai l’enfant superbe, les deux femmes heureuses. J’étais tout joyeux en retournant à Pérouse, il me semblait avoir reconquis le droit de soutenir le regard de madame.

Je trouvai un certain changement dans le ménage. M. le comte avait de grands égards pour sa femme, il craignait qu’elle ne s’ennuyât dans sa solitude de Trasimène, et s’apprêtait à lui faire passer l’hiver à Naples. Je ne pus me défendre de lui dire que je voyais avec satisfaction qu’il avait renoncé à son système de ressentiment.

— Oui, répondit-il, j’ai abrégé le temps des épreuves. Elle a expié par beaucoup de larmes ; c’est bien assez, le spectacle n’est pas réjouissant. Elle va me donner un héritier ; il m’en faut un, le mariage n’a pas d’autre but. Cette fois-ci je suis sûr d’elle, je ne l’ai pas perdue de vue. Je tiens à ce qu’elle ne soit ni triste ni malade, je lui dois des distractions.

On passa l’hiver à Naples après avoir visité Florence et Rome. Madame eut une très heureuse grossesse. Au mois de mai 1842, juste un an après la naissance du premier Flamarande, il en naissait un second, beau et bien constitué comme l’autre. Madame avait demandé à retourner au lac de Pérouse ; elle aimait l’endroit et le climat. Monsieur ne lui avait pas refusé la joie de nourrir elle-même son second fils, Juste-Roger de Flamarande. Elle reporta sur son nouveau trésor l’ardent amour qu’elle avait conçu pour le premier ; elle ne le quitta pas un instant, et ne parut plus vivre que de sa vie. Dès lors, M. le comte fut tranquille et se dit que son but était rempli. Madame vécut si retirée, et cela volontairement, elle eut une conduite si exemplaire, on pourrait dire si édifiante, qu’il oublia le passé comme un mauvais rêve, et que son ménage parut un des plus heureux qu’on puisse imaginer.

Comme l’Italie était très favorable à sa santé, il résolut d’y vivre