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Lorsque Laurent succéda à Pierre de Médicis en 1469, les plus grands artistes florentins du XVe siècle, ceux qui s’étaient montrés novateurs ou qui avaient imprimé à leur art une direction particulière, n’existaient plus. Brunelleschi était mort en 1446, Ghiberti en 1455, Donatello en 1468, Masaccio en 1443, Jean de Fiesole en 1455 ; mais les traditions subsistaient et se perpétraient. L’enthousiasme et l’activité n’avaient diminué ni chez ceux qui cherchaient à exprimer leur pensée avec le ciseau ou le pinceau, ni chez ceux qui aspiraient à provoquer de belles œuvres. Couvens, élises, palais publics et particuliers, se disputaient les architectes, les peintres et les sculpteurs.

Parmi les architectes de la fin du XVe siècle, il n’y a que Giuliano Giamberti da San-Gallo dont Laurent se soit servi. Léon-Baptiste Alberti, l’ami de sa jeunesse, cessa de vivre en 1472 et Michelozzo était mort dès 1470. Quant à Cronaca, l’architecte de l’église des franciscains sur la colline de San-Miniato, l’auteur de la sacristie de San-Spirito et de l’entablement du palais Strozzi, il ne semble avoir eu aucun rapport avec Laurent. C’est à Giuliano Giamberti que celui-ci confia la construction des deux seuls monumens auxquels il ait attaché son nom : le couvent des augustins en dehors de la porte San-Gallo et la villa de Poggio a Cajano. Le couvent de la porte San-Gallo dut son origine à la tendresse du dominateur de Florence pour le moine augustin Mariano da Gennazzano, prédicateur en renom, plus préoccupé de la rhétorique que de l’Évangile, ambitieux courtisan qui mit au service de Laurent et d’Alexandre VI son implacable haine contre Savonarole. On admira tant les proportions grandioses du nouvel édifice, que Giuliano Giamberti fut dès lors appelé Giuliano da San-Gallo. Nous ne pouvons contrôler cette admiration, car le siège de Florence en 1529 détruisit le couvent de fond en comble. Chacun peut au contraire, dans la villa de Poggio a Cajano, apprécier le grand escalier extérieur, le portique, la frise en terre cuite et la vaste salle surmontée d’une coupole. Les talens de Giuliano furent utilisés aussi pour la défense du territoire toscan. C’est Giuliano qui, pendant la guerre de 1478, fortifia la ville de Castellina ; c’est lui qui, en 1488, reconstruisit la citadelle de Poggio Impériale, près de Poggibonsi. Enfin Laurent mit à contribution son architecte favori pour gagner la bienveillance des princes italiens. Ferdinand ou Louis le More désiraient-ils avoir un modèle de palais, Laurent leur envoyait un dessin de San-Gallo. L’affection qu’il portait aux Giamberti fut du reste payée de retour. Giuliano, ayant reçu de Ferdinand, comme récompense de quelques travaux exécutés à Naples, un buste d’Adrien, une statue de femme et un Amour endormi, fit cadeau à Laurent de ces précieuses œuvres d’art. Quant à Antonio da