Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les écoles publiques aux États-Unis, divers individus, diverses corporations se sont jetés à la traverse des institutions de la société. En 1855, un prêtre catholique fit croire aux Italiens des Cinq-Points qu’on ne réunissait leurs enfans que pour les convertir. Un beau jour, l’école se trouva vide. « Venez plutôt à moi, disait ce serviteur de Dieu ; laissez là ces mécréans, ces hérétiques. Donnez-moi votre argent, et nous bâtirons une église. » Il récolta une bonne somme et s’enfuit, mettant l’Océan entre lui et ses ouailles. Les parens désabusés revinrent, et la Société protectrice put rouvrir cette fois sans encombre et avec un plein succès, qui ne s’est plus démenti depuis, l’école des Cinq-Points pour les petits Italiens émigrés.

Le même esprit de dénigrement poursuivit dès l’origine et poursuit encore la Société de secours dans une œuvre qui couronne dignement l’institution des logis et des écoles, nous voulons dire l’envoi des enfans dans les campagnes de l’ouest. Après leur avoir fourni les rudimens de l’éducation, il faut les arracher, s’il est possible, aux séductions de la grande ville et consolider leur retour au bien. Pour cela, quoi de mieux que de les envoyer dans quelque manufacture éloignée ou plutôt dans une ferme ? N’est-il pas naturel et juste qu’ils participent, eux aussi, à la colonisation des plaines fertiles du Missouri, du Michigan, de l’Illinois ? Que n’a-t-on pas dit cependant contre ces généreuses tentatives, de quelles calomnies jésuitiques ne les a-t-on pas poursuivies ? On a prétendu que les enfans ainsi envoyés au loin étaient arrachés de force à leurs parens, qu’ils changeaient de nom en arrivant à destination, et que le frère pouvait ainsi se trouver dans le cas d’épouser sa sœur ! La calomnie est ingénieuse, mais la charité a été plus forte que la calomnie, et l’œuvre d’émigration a réussi au-delà de toute attente. On est arrivé, malgré toutes les entraves, à atteindre le but qu’on visait, et l’on a mis en pratique l’adage du sage fondateur de la colonie de Mettray « d’améliorer la terre par l’homme et l’homme par la terre. » Nous lisons, dans le dernier rapport publié par la Société protectrice[1], que 3,200 enfans ont été envoyés en 1873 dans l’ouest, et là pourvus d’une place et d’une famille adoptive. Pareil nombre d’enfans avait déjà été envoyé dans les différens états agricoles pendant chacune des quatre années précédentes. Le nombre total de ceux qui avaient été ainsi pourvus d’un foyer définitif était de 32,400 depuis 1853, époque où l’on avait préludé à cet intéressant exode. C’est une moyenne de 1,620 individus chaque année ; la proportion des filles et des garçons y est sensiblement la même.

  1. Twenty first annual report of the children’s aid society, New-York 1873.