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triompher qu’avec le secours des bonapartistes, qui étaient, quant à eux, dans leur rôle en aidant à tout ce qui pouvait créer de nouvelles difficultés et faire échouer les lois constitutionnelles. Puisque M. Dufaure parlait avec autorité, il y a quelques jours à peine, des intrigues audacieuses qui agitent le pays, on aurait pu s’en souvenir dans ce moment décisif. Après tout, un sénat nommé par un corps électoral de département avec des garanties suffisantes, ce sénat n’est pas plus difficile à accepter que les deux chambres elles-mêmes, que le droit de dissolution pour le chef du pouvoir exécutif. Ce qui a déterminé la gauche jusqu’ici devait la déterminer encore : c’est la nécessité d’une sérieuse et prompte organisation politique qui devait tout dominer.

Quant au genre d’action qu’exerce le gouvernement, il devient vraiment assez difficile à définir. Depuis un mois qu’il a donné sa démission, le ministère semble prendre à tâche de s’effacer ; il n’a eu aucune initiative, il n’est intervenu sérieusement dans aucun incident de cette discussion constitutionnelle. Depuis un mois, il ne manifeste son existence que par des prodigalités de décorations, depuis les grands cordons jusqu’aux simples croix de chevaliers, et par des propositions de pensions civiles, qui n’ont peut-être pas été examinées par le conseil d’état comme elles devaient l’être, qui en fin de compte rejettent sur l’assemblée la mission toujours délicate d’interroger des positions personnelles. Puis un jour le ministère se souvient qu’il a un rôle politique, et il arrive à Versailles avec une déclaration qui est une sorte de veto, qui fait apparaître M. le maréchal de Mac-Mahon en plein débat parlementaire. C’est le ministère qui est responsable, dit-on ; le cabinet ne voit donc pas que par l’attitude effacée qu’il a prise c’est lui-même qui a d’avance fait de cette parole une fiction transparente, compromettante, et il s’est exposé à cette parole sévère, passionnée, malheureusement un peu juste : « vous vous êtes réfugiés derrière cette épée ! » Que M. le duc Decazes invoque sa responsabilité, il est dans son devoir. Il y avait ce jour-là non loin de lui un homme qui se donne bien du mouvement pour être un personnage qui ne demanderait pas mieux que de redevenir ministre après l’avoir été, et qui a parlé plus crûment ; c’est M. Depeyre, qui a lancé cette belle parole : « le maréchal a dit : Ce projet de sénat ne me convient pas, et l’assemblée a repoussé le projet. » Et voilà comment on entend la vérité du régime parlementaire en même temps que la dignité de l’assemblée ! Toujours est-il qu’il faut maintenant sortir de cette situation où une victoire irréfléchie de la gauche peut avoir pour lendemain une victoire tout aussi périlleuse de la droite. Des propositions de conciliation se sont produites, l’assemblée elle-même a tenu à ne pas les évincer. C’est sur ce terrain qu’il faut reprendre position, et ce qu’il y a de plus nécessaire tout d’abord, c’est de reconstituer un ministère qui s’inspire de ces difficultés, des vœux évidens