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si fidèlement portés pendant la guerre, nous avons résolu, après en avoir mûrement délibéré avec notre cher cousin Guillaume, prince d’Orange, stathouder, de fonder une école publique et une université libre, etc. » Le roi pourvoyait ensuite à l’établissement de cette université, la dotait d’un revenu considérable provenant en grande partie des biens de l’ancienne abbaye d’Egmont, et confiait toutes les mesures nécessaires pour le gouvernement et la police de l’institution à a son cher cousin ci-dessus mentionné, Guillaume d’Orange. » La suppression en Hollande du culte catholique et des ordres monastiques avait laissé vacans un grand nombre d’édifices conventuels. L’un de ceux-ci, le monastère de Sainte-Barbe, fut en toute hâte approprié pour recevoir élèves et professeurs; c’est encore là qu’ils se réunissent, et que les députations étrangères ont été reçues récemment par le sénat académique.

L’université une fois fondée, dotée et pourvue de professeurs, on l’ouvrit solennellement le 8 février 1575. Leyde, naguère encore en proie à la peste et à la famine, s’était couronnée de fleurs. Meursius nous donne un long récit des fêtes qui furent célébrées à cette occasion. Il y eut une de ces cavalcades, avec des chars portant des personnages allégoriques, qui sont restées chères aux villes de Flandre et dont l’ordonnance a parfois été réglée, dont les motifs ont été fournis par les plus grands artistes[1]. De ces pompes, nous ne retiendrons qu’un détail. Lorsque le cortège se trouva en face du bâtiment destiné à l’université, on vit une barque magnifiquement ornée descendre lentement le Rhin. Sur le pont, sous un dais entouré de guirlandes de laurier et d’oranger, parmi de belles tapisseries, était assis Apollon, entouré des neuf muses en costume classique. Neptune, avec son trident, était au gouvernail. Les muses chantaient, Apollon fit résonner son luth. Arrivée au rivage, cette députation du Parnasse mit pied à terre et s’avança vers la procession. Chaque professeur fut embrassé à son tour par Apollon et les neuf muses, qui saluèrent en outre leurs savans hôtes par un élégant poème latin. Après cette pause, on entra dans le cloître, et l’on entendit un discours du révérend Gaspar Kohlars. Un banquet termina la journée, qui avait commencé par un service solennel à l’église Saint-Pierre. Le génie de ce temps, si différent du nôtre, ne se peint-il pas bien dans ce mélange d’une piété chrétienne ardente et sincère avec une si vive passion pour les langues et les idées, pour les formes et les symboles de l’antiquité païenne?

Le premier recteur de la nouvelle université fut un Frison, Petreius

  1. Voyez, au musée d’Anvers, les esquisses de décoration pour l’entrée triomphale de Ferdinand d’Autriche à Anvers, en 1635. Nulle part on ne saisit mieux le génie de Rubens dans le feu même de l’improvisation. Il y a là des groupes superbes dessinés en deux ou trois coups de pinceau.