Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de n’être démenti par aucun de mes compagnons, — n’ont pu que la rendre plus nette et plus vive encore.

Le lendemain dimanche, nous commençons la journée par une promenade à ce que l’on appelle le Bois. Il y a là de très beaux hêtres, des chênes vigoureux et d’une fière tournure, penchés sur de clairs étangs. On a même ménagé quelques mouvemens de terrain; un monticule de quatre ou cinq mètres prend ici pour l’œil une valeur incroyable; il domine au loin la plaine, et l’on se prend à le gravir avec respect. Ce doit être l’été un charmant séjour que La Haye; on comprend que la cour, l’aristocratie et les gens riches la préfèrent à Amsterdam. Il était impossible de faire une plus jolie ville sans pierre de taille, avec la brique, qui reste toujours plate, sombre et monotone. C’est surtout le long du Bois et sur la route de Schéweningue qu’il y a d’agréables maisons; malgré la pauvreté de la matière, quelques-unes, grâce à leurs vérandahs, grâce à quelques saillies sobres et légères, arrivent à l’élégance. Ces maisons ne se cachent point derrière des murs jaloux; un canal transparent, où se mirent de touffus buissons de rhododendrons, les sépare seul de la route; le passant jouit ainsi des pelouses et des parterres soigneusement entretenus, des plantes de serre que l’on aperçoit à travers les fenêtres dans les salons remplis de faïences hollandaises et de porcelaines du Japon.

A cinq heures, nous arrivons à Leyde. Toute pavoisée, la ville a un aspect charmant. Le drapeau hollandais, qui flotte partout, fait plaisir à voir, tant il ressemble au drapeau français : ce sont les mêmes couleurs autrement, disposées. Chaque maison a d’ailleurs arboré les couleurs nationales de l’étranger qu’elle doit recevoir; ainsi, quand je frappe à la porte de mon hôte, M. Cobet, le célèbre helléniste, le drapeau tricolore m’avertit que j’y étais attendu. Toutes en briques, les maisons présentent à peu près la même apparence que dans l’intérieur de La Haye; mais elles sont en général plus simples. Quelques-unes, dans la Breede-Straat ou Grande-Rue, ont un air monumental; c’est là que se trouve l’hôtel de ville, édifice pittoresque qui date de la fin du XVIe siècle. Ici, comme partout en Hollande, la proportion des pleins et des vides dans les façades des maisons est tout autre qu’en France ou en Italie. Les baies sont très multipliées et très grandes. Sous ce ciel souvent voilé de brume, on élargit le plus possible les ouvertures par où le jour doit pénétrer. Les carreaux sont du plus limpide cristal, et l’éponge des servantes travaille sans cesse à n’y pas laisser le moindre grain de poussière. Pas de ces petits rideaux blancs, qui sont chez nous la parure même des plus humbles fenêtres, mais un grand store que l’on abaisse quand on veut se protéger contre les regards indiscrets.