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et de sympathique. La couleur de la peau varie du rouge ocreux au brun foncé; très différente de la couleur bronzée des Nubiens, elle rappelle la teinte du chocolat en tablettes, dont elle a le doux éclat. Comme signe de leur nationalité, les Niams-niams ont adopté divers tatouages : des carrés composés de points qui se placent sur le front et sur les tempes, une espèce de croix sur le ventre, des raies sur les bras, etc. Ils s’aiguisent les canines en pointe afin de s’en servir dans le combat. Un morceau d’écorce de figuier sert parfois comme vêtement de luxe; en général ils s’habillent de peaux de bêtes drapées autour des reins et gardent la tête nue : les chefs seuls ont le droit de s’orner le front d’une coiffure de peau. Un bandeau de léopard représente le privilège royal. L’arme habituelle des Niams-niams est la lance avec une espèce de couteau en forme de faucille. Les hommes chassent et pèchent, l’agriculture est le domaine exclusif des femmes; le sol d’ailleurs leur fournit sans travail une foule de plantes nourricières. Ils n’ont pas de bétail ; en fait d’animaux domestiques, on ne trouve chez eux que des chiens et des poules. Le reproche d’anthropophagie qu’on leur a fait souvent n’est que trop fondé; M. Schweinfurth a rapporté des crânes d’hommes, restes de leurs repas.

Au sud des Niams-niams habite le peuple des Mombouttous, qui firent sur le voyageur une impression plus grande encore. Ce sont des cannibales décidés. Cependant ils ne manquent pas d’intelligence, ils ont un état social réglé, connaissent plusieurs arts, et sont versés dans la fabrication du fer et du cuivre. Leurs femmes, presque nues, dit M. Schweinfurth, sont d’une indiscrétion inimaginable, tandis que celles des Niams-niams se montrent d’une réserve absolue; aussi les Niams-niams aiment-ils leurs femmes, et il n’est pas de sacrifice auquel le mari ne consente pour ravoir la femme qu’on lui a prise. Les Mombouttous ont le teint couleur de café moulu. Leur roi Mounza accueillit les voyageurs de la manière la plus cordiale.

Le roi des Mombouttous, en costume de gala, avec son chignon surmonté d’un immense bonnet cylindrique à plumes de perroquet, avec sa chlamyde en écorce de figuier et ses innombrables anneaux de cuivre tout luisans comme une batterie de cuisine, ressemblait à un de ces potentats fabuleux dont parlent les anciens voyageurs; il n’avait sur toute sa personne rien qui fût emprunté aux autres peuples, rien qui révélât le contact de la civilisation orientale ou européenne. C’était un homme d’une belle taille, svelte et vigoureux, d’un port très droit; sur ses traits se lisaient la satiété, l’ennui, en même temps qu’un raffinement cruel et une sensualité animale. Il observa vis-à-vis de son étranger blanc une réserve extrême : lors de la première réception à peine daigna-t-il lui accorder un regard. Il examina de même sans témoigner la moindre émotion les cadeaux qu’on lui offrait; nil admirari,