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Dans une autre lettre, la comtesse disait à son amie : « La preuve que je n’ai pas le genre d’affection que vous supposez, c’est que le jour où il ne vivra plus que pour vous, le jour où vous serez sa femme (et ce jour viendra, soyez-en sûre), je serai mille fois plus heureuse de notre affection et mille fois plus fière de lui et de moi. »

L.

Tout cela était fort beau ; mais M rae de Montesparre, plus positive ou plus clairvoyante, écrivait à Salcède : « Je vous envoie toutes les lettres qu’elle m’écrit, parce que vous m’en avez arraché la promesse, et que je ne sais pas vous affliger ; mais je crains bien de répandre cette huile parfumée sur un feu toujours plus ardent. Je voudrais qu’elle m’écrivît sur un autre ton, de manière à vous bien prouver qu’elle ne vous aime pas comme vous l’aimez ; mais l’exaltation de la mère, qui vous doit tant, monte le langage de la femme à un diapason qui me fait trembler. Elle veut nous marier ! Ah ! qu’elle ne s’en mêle plus ! son premier essai à Montesparre m’a été si fatal ! À présent je ne le voudrais plus, ce mariage que j’avais rêvé, et qui ferait le malheur de notre vie à tous trois ! Aussitôt que j’aurais le droit d’être jalouse, j’en userais et j’en abuserais peut-être. J’aime mieux notre amitié désintéressée et ma tâche de dévoûment. »

Mme de Montesparre n’était pas toujours si résignée. Il y avait des billets courts et passionnés comme ceux-ci : « Sachez que je ne crois pas un mot de ce qu’elle dit et de ce que vous dites. Pourquoi mentir avec moi ? C’est un outrage, c’est une ingratitude atroce. »

Autre billet :

« Allons donc ! Gaston est fort bien votre fils ; je le sais à présent ! »

Autre : « Si l’enfant appartient au mari, comment ne le haïssez-vous pas ? Moi, je le hais par momens, ce fils adoptif qui vous absorbe et que vous arrivez à me préférer ! »

La baronne avait fait des tentatives pour détourner Salcède de son installation au Refuge. En 1848, elle avait eu la douleur de perdre son fils unique, Ange de Montesparre, et s’était d’autant plus attachée à Salcède qu’il s’était montré aussi désolé qu’elle de ce malheur. Elle voulait que le marquis s’établît à Montesparre avec Gaston, et on pressentait dans ses expressions le désir de le reconnaître pour son fils et celui de Salcède. La réparation du sacrifice qu’elle était prête à faire de sa réputation eût été un mariage entre eux. Salcède n’avait pas accepté cette solution. De là des querelles