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et le protestantisme plus radical des autres pays réformés. Cette appréciation nous paraît très juste. Tout en professant les doctrines principales de la réforme, l’église anglicane avait conservé l’organisation épiscopale, un cérémonial assez compliqué et plusieurs coutumes greffées sur le principe sacerdotal. Il en résultait une moyenne ecclésiastique donnant une satisfaction relative à des tendances très divergentes. Les uns s’y rattachaient parce qu’elle était après tout foncièrement protestante, les autres parce que, malgré son caractère protestant, elle rendait hommage au principe de la tradition catholique et de la transmission régulière des pouvoirs sacerdotaux, d’autres encore parce que son caractère, en définitive assez flottant, laissait plus de liberté de fait au mouvement scientifique et aux opinions individuelles que l’intolérance ordinaire des sectes enchaînées à la lettre d’un système rigoureux. Ajoutons que pour tous son grand mérite provenait de ce qu’elle était « l’église d’Angleterre. »

Sur ce fond commun, accepté ou subi, on vit se dessiner trois tendances bien distinctes, mais qui purent longtemps s’affirmer parallèlement et même se disputer sans briser l’unité organique de l’institution. Il y eut le parti high church ou de la « haute église, » qui s’étudiait à développer l’élément sacerdotal, traditionnel, épiscopal, parti aristocratique et fort enclin au cérémonialisme. En opposition se forma le parti low church ou de la « basse église, » dit aussi evangelical, qui tendait à rapprocher l’église anglicane du type calviniste en subordonnant fortement les questions d’épiscopat et de liturgie à la profession des doctrines de l’orthodoxie réformée. Il y eut enfin « l’église large » ou broad church, voulant se tenir à égale distance de l’étroitesse dogmatique et de la superstition sacerdotale, et qui se distinguait surtout par son esprit philosophique, par la tolérance des opinions individuelles et la liberté qu’elle revendiquait pour les œuvres de science et d’érudition.

Notons que pendant longtemps aucune des trois tendances n’aurait voulu pousser les choses à l’extrême; mais à la longue la logique fut plus forte que l’amour de l’église-mère. Ainsi le parti évangélique ou de la basse église finit par se sentir plus d’affinité avec les dissidens qui professaient carrément les « doctrines du salut » qu’avec les adhérens tenaces de traditions et de formes rituelles qui n’avaient à ses yeux aucune valeur intrinsèque. L’accroissement continu des communautés dissidentes, surtout dans la classe moyenne, est en rapport avec cette disposition, que le temps ne peut que fortifier. On a dit que dans tout compromis il y a toujours plus ou moins de malentendu. Le fait est que chacune des parties signataires d’un compromis espère le plus souvent in petto