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« Eh bien ! continue le professeur, il est une triple unité, de force, de forme et de composition, qui relie tous ces êtres si disparates. La nutrition, la croissance, la reproduction, la contractilité, leur sont communes. L’unité structurale des corpuscules cellulaires se révèle d’un bout à l’autre de la série. Tous les êtres vivans se composent chimiquement de carbone, d’hydrogène, d’oxygène et d’azote; c’est ce que nous appelons le protoplasme. Ils vivent tous à la condition de perdre à chaque usage de leurs forces et de réparer continuellement leurs pertes. Chez l’orateur qui parle, il se résout autant d’acide carbonique, d’eau et d’urée qu’il déploie d’éloquence. Avons-nous le droit d’ajouter aux quantités mécaniques et chimiques de l’être vivant une quantité en plus qui s’appellerait la vitalité ? Qui d’entre nous songerait à postuler une force à part sous le nom d’aquosité pour expliquer ce composé d’hydrogène et d’oxygène qui fait l’eau à zéro, et qui, dans de certaines conditions, par exemple sur nos vitres en hiver, imite la structure du feuillage? Les phénomènes de l’eau, sa fluidité et sa solidité selon les températures, sont les propriétés de l’eau; de même les phénomènes de la vie sont les propriétés du protoplasme. Les pensées que j’émets et celles que vos réflexions vous suggèrent à ce sujet sont l’expression de changemens moléculaires dans cette matière vivante qui est la source de tous les phénomènes vitaux. Mon langage est matérialiste, ma pensée ne l’est pas. Je ne suis pas partisan de la philosophie matérialiste : les mots de matière et d’esprit sont simplement les noms de causes hypothétiques et inconnues, des substrata imaginaires de groupes déterminés de phénomènes; mais, quand je parle de faits physiques et chimiques relevant de l’observation et vérifiables par l’expérience, je ne puis faire autrement que d’employer le langage qu’on qualifie de matérialiste. »

Nous reviendrons sur ce désaveu du matérialisme par un naturaliste qui semble pourtant en accepter les thèses principales; nous allons d’ailleurs retrouver une théorie très analogue chez M. Tyndall. Bornons-nous en ce moment à signaler le point de vue philosophique auquel M. Huxley se place pour embrasser du regard la totalité de l’être tombant sous nos sens. Son principe favori, c’est la continuité des choses. Il croit que le dégagement des phénomènes les plus compliqués ou les plus élevés est dû à des combinaisons de substances préexistantes, sans qu’on soit jamais en droit de faire intervenir une action surnaturelle pour expliquer les déroulemens nouveaux de la série. Tout ce qui est, tout ce qui vit est le produit des forces possédées originairement par la substance universelle. Un ordre harmonieux gouverne un progrès éternel, la matière et la force forment la trame d’un voile qui s’étend sans qu’un seul fil se rompe entre nous et l’infini. « La religion, dit-il dans un autre discours,