Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au non liquet qui, pour nous et quelques autres, est encore le mot de la sagesse sur cette épineuse question. Enfin la notion vulgaire du dualisme absolu du corps et de l’âme, cette notion qui sert de base aux raisonnemens classiques sur l’espoir d’une vie future, est directement battue en brèche par la physiologie nouvelle, qui pose en principe l’unité de la vie dans toutes ses manifestations, et qui voit dans le cerveau l’équivalent mécanique, si ce n’est le générateur proprement dit, de la pensée. Nous ne sommes donc nullement surpris des clameurs de haro dont M. Huxley est l’objet, et nous connaissons même certain pays où la faculté de faire des conférences publiques lui eût été retirée, où l’on aurait rayé son nom de la liste du jury, et où l’on eût même probablement obtenu la suspension de son cours; mais toute l’Europe ne jouit pas des institutions qu’elle nous envie, et en Angleterre la punition de M. Huxley se borne à cette mise à l’index qui ne l’empêche pas de parler beaucoup ni d’être fort écouté. Passons maintenant à l’émule et à l’ami de M. Huxley, son compagnon de bonne et de mauvaise fortune dans l’œuvre de la mission scientifique.


III.

M. John Tyndall est né vers 1820 en Irlande au sein d’une famille anglaise venue du Glocestershire. Cette famille, paraît-il, compte parmi ses ancêtres un certain William Tyndall, qui traduisit la Bible en anglais et fut brûlé en 1536 pour crime d’hérésie. Le père du professeur actuel était un zélé protestant, fort respectable, mais passionné pour la controverse. Son fils hérita, sinon de son orthodoxie, du moins de son indépendance et d’une certaine virtuosité de polémiste qui devait un jour lui rendre d’éminens services. D’abord attaché au service du cadastre en Irlande, puis ingénieur de chemins de fer, il entra comme chargé de cours dans une école professionnelle du Hampshire, qu’il quitta en 1848 pour aller étudier à Marburg sous la direction de l’illustre professeur Bunsen. En 1850, son premier ouvrage remarqué roula sur la grande question du diamagnétisme et de la polarité diamagnétique. Il touchait déjà par ce genre de recherches a la constitution intime de la matière en tant que substratum et foyer de forces organisatrices. De retour à Londres en 1852, il fut nommé bientôt après professeur de physique à l’Institution royale. Comme M. Huxley, il se montra digne de cette haute position scientifique par les nombreux et remarquables travaux dont il enrichit le domaine des sciences de la nature. La constitution moléculaire de la matière et les phénomènes