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lui rendant le droit de choisir les princes dans son sein ne réussirent pas mieux, toujours à cause de la persistance de ces rivalités de familles. Avec le maintien de ce régime électif, accompagné de protestations continuelles, elles n’eussent pas manqué d’entraîner les principautés sur la même pente que la Pologne et peut-être à la même destinée, si les Roumains, au moment le plus critique après l’union, n’avaient eu la sagesse de substituer à une combinaison reconnue dangereuse l’établissement dynastique d’un prince étranger, comme le meilleur moyen de sortir d’un cercle vicieux et de couper court à des intrigues sans fin.

Toute cette aristocratie naturelle de grandes familles et de propriétaires terriens forme ce qu’à Bucharest et à Iassy on est convenu d’appeler non plus la noblesse, mais simplement la société, et avec raison, car elle n’est pas exclusive, toutes les notabilités, de fortune ou autres, y étant reçues et traitées sur un certain pied d’égalité. Le terme de boïar est tombé en désuétude; les membres de l’ancienne boïarie évitent eux-mêmes de s’en servir, et le paysan, auquel il rappelle des souvenirs néfastes, l’emploie assez volontiers comme une injure. Il est certain que le souffle des idées qui depuis 1821 ont agité le pays pendant près d’un demi-siècle y a beaucoup modifié la vie sociale, notamment à la surface. Ce travail a opéré entre les divers élémens de la couche supérieure un rapprochement considérable, avec lequel ont disparu les grandes aspérités de la différence de classe et de condition, naturellement déjà beaucoup moindres chez les méridionaux, en Orient surtout, que dans les pays du nord. Cependant la masse du peuple ne peut arriver à profiter dans une plus large mesure de ces dispositions libérales qu’autant que l’on s’appliquera très sérieusement à lui procurer par l’instruction le moyen de se relever de sa torpeur.


III. — L’EGLISE, L’INSTRUCTION PUBLIQUE, LE SYSTEME MILITAIRE.

Le clergé du pays n’a pas été jusqu’à présent en mesure d’aider beaucoup le gouvernement dans cette tâche. L’église roumaine, qui appartient au rite grec ou oriental, est orthodoxe en ce sens qu’elle marche d’accord pour le dogme, les lois religieuses et le culte avec ses sœurs, mais autocéphale en ce qu’elle s’est rendue indépendante de tout pouvoir extérieur, ne relevant ni du tsar et de son synode, ni même du patriarcat de Constantinople. C’est donc une église toute nationale, et, comme elle est sans prétentions ambitieuses et peu gênante sous d’autres rapports, en fait de mariage par exemple, les Roumains y tiennent beaucoup. Ses chefs sont les deux archevêques métropolitains de Bucharest et d’Iassy, dont le premier est primat de Roumanie, avec six évêques diocésains. Tous