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de la rue principale où se trouvent le palais du prince, le grand théâtre, et de quelques quartiers adjacens, en constitue la partie animée, constamment parcourue par une multitude de voitures et d’équipages, car le peuple presque seul y sort à pied. Le principal divertissement de chaque jour est le rendez-vous que tous ces équipages se donnent à la chaussée, la promenade principale, où le beau monde a l’habitude de faire corso comme en Italie. Toutefois la majeure partie de Bucharest n’est qu’un immense enchevêtrement de rues non encore pavées, remplies de chiens, très boueuses et très tortueuses. C’est, comme on l’a dit avec raison, la ville des contrastes. Cependant l’influence de la civilisation de l’Occident y acquiert un empire de jour en jour plus incontestable, tout en laissant subsister une foule de particularités frappantes et curieuses dans la physionomie semi-orientale de la ville. Le progrès se manifeste sous des formes diverses dans certaines habitudes, les constructions, les boutiques, les hôtelleries. Non-seulement le pavé fait des conquêtes et les rues principales se bordent de trottoirs, mais on a construit deux halles ou marchés couverts, planté un grand boulevard devant le bâtiment de l’université, et fait plusieurs squares. L’éclairage au gaz fonctionne depuis quelques années, des Anglais ont organisé un service intérieur de tramways, etc. Il y a en Roumanie une tendance très marquée à la centralisation dont la nouvelle capitale profite largement. Avec la politique, la banque et le mouvement financier s’y concentrent de plus en plus à côté de l’industrie et du commerce de luxe. C’est qu’en effet les grandes familles et les riches propriétaires de la Petite-Valachie et de la Moldavie même que Craïova et Iassy ne retiennent pas vont de préférence établir leurs quartiers d’hiver à Bucharest.

Iassy, sans être une aussi grande ville, a l’avantage d’une situation plus pittoresque. La déchéance de son rang de capitale depuis qu’il n’y a plus de gouvernement distinct en Moldavie lui a naturellement fait perdre de son importance, et le départ de beaucoup de familles s’y trahit par un certain délabrement, sans compter que le désastre du grand incendie de 1822 n’y a jamais été complètement réparé. Il y a lieu d’espérer cependant que. sa position commerciale l’en dédommagera, et qu’étape nécessaire entre Odessa, la Bukovine et la Galicie, elle ne manquera pas d’en tirer parti avec l’achèvement de la ligne russe. Il est aussi question d’un projet de l’ingénieur anglais Hartley, de la commission danubienne, tendant à relier Iassy doublement à la Mer-Noire au moyen d’un chemin de fer parallèle au Pruth dont l’exécution est regardée comme très facile.

Galatz et Braïla sont essentiellement des places de commerce, ayant une population très mélangée, la première surtout, et le cachet des ports levantins. Les villes les plus importantes pour le