— Oh ! bien sûr ! Quel bonheur, mon Dieu ! Mais viens donc lui dire cela ; il n’est pas couché, d’ailleurs il se réveillera avec plaisir.
— Attends ! Dis-moi d’abord que tu es contente et que tu ne mépriseras pas le pauvre nom d’Espérance.
— Ah ! peux-tu le croire ? moi qui t’ai aimé toute ma vie !
— C’est vrai, toute ta vie ! C’est comme moi. S’aimer toute la vie, mon Dieu, que c’est bon et que c’est beau de pouvoir s’aimer comme cela !
— Mais viens donc, pourquoi n’es-tu pas venu tout de suite ? Qu’est-ce que tu faisais tout à l’heure dans la chapelle ?
— J’avais besoin de remercier Dieu… et mon père !
— Ton père ?.. tu le connais donc ?
— Non, je ne le connaîtrai jamais.
— Pourquoi ?
— Parce que je ne veux pas le connaître.
— Vraiment ?
— Il a séduit ou abandonné ma mère… Ne parlons pas de lui, il répare aujourd’hui envers moi… Je l’ai remercié dans l’église, et à présent qu’il n’en soit plus question…
— Tu ne sais pas si c’est lui qui t’envoie cette grosse fortune.
— Il faut bien que ce soit lui, ma mère est une pauvre femme qui a été bien élevée, mais qui n’a rien, puisque, pour ne pas me priver des dons de mon père, elle m’a laissé ici.
— Tu t’en plains ?
— Oh ! non, je la bénis et je bénis mon sort…
— Es-tu sûr qu’elle ne sera pas contrariée de notre mariage ?
— Nous ne le ferons pas avant qu’elle l’ait permis. M. Alphonse sait où elle demeure ; je lui écrirai, elle viendra ; mais elle sera contente, va, et elle t’aimera, elle est si bonne !
— Tu la connais ? et tu me disais que non !
— Je ne pouvais rien dire à ma Charlotte, mais je peux tout dire à ma femme. Viens à présent ! il faut que ton père nous bénisse. Il faut qu’il sache que je peux te rendre heureuse, et qu’il m’accorde ce que je lui avais demandé avec ta main.
— Ah ! quoi donc ?
— Il me faut un nom, Charlotte, je ne veux pas que tu sois la femme d’un inconnu. Je veux le plus beau des noms pour mon cœur, le tien ! Je veux être Espérance Michelin. À présent ton père dira oui.
— Oh ! certainement ; mais M. Alphonse, consent-il à tout cela ?
— M. Alphonse ne peut consentir à rien et rien empêcher, voilà ce qu’il m’a dit encore aujourd’hui. Il n’a aucun droit sur moi ni sur mes parens. Il ne connaît pas mon père ; il ne sait même pas si