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FLAMARANDE.

doutez pas, je ne crois pas aux attentats qui réussissent, quels reproches n’aura-t-il pas lieu de m’adresser ! Ne pensera-t-il pas que je l’ai sacrifié à la crainte lâche d’être soupçonnée, quand mon âme, forte de son innocence et de son droit maternel, eût dû protester contre l’arrêt qui nous sépare ? Nous partons demain, on le veut ; mais je n’irai pas plus loin que Montesparre, et je reviendrai seule. Je compte sur vous pour me ramener ici, Charles. Je dois revenir, je le veux.

Elle montrait une énergie que je ne lui avais jamais vue. Je lui demandai si M. de Salcède n’allait pas revenir lui rendre compte de son entretien avec Espérance. — Non, répondit-elle ; il a décidé notre prompt départ et il nous a dit adieu, promettant que dans peu de jours il viendrait à Montesparre nous rendre compte de tout.

— Eh bien ! madame, que craignez-vous ? Il ira certainement, il n’a plus de raison pour se cacher, et par lui vous serez toujours informée. L’important à cette heure, c’est d’éloigner Roger de Gaston.

— Le danger n’est pas si grand que vous croyez. Roger n’a pas de soupçons réels, et, s’il en avait, Gaston saurait bien être impénétrable. — Et, comme elle marchait avec vivacité en parlant, elle s’arrêta brusquement et me dit : — Je veux voir Salcède, je veux le voir à présent, je ne partirai pas sans l’avoir vu ! Ma conscience de femme et de mère se révolte contre les promesses qu’on m’a arrachées hier soir. Dieu me défend de les tenir !

— Vous voulez aller au Refuge, m’écriai-je, pendant que Gaston y est ?

— Il n’est que huit heures, Gaston n’y sera qu’à dix. Nous avons le temps, venez avec moi, Charles. Je veux savoir ce que M. de Salcède compte dire à mon fils, et lui dire, moi, tout ce que je pense de ses projets.

Malgré la crainte que j’avais de laisser Roger avec Gaston au pavillon, il me fallait bien obéir à la comtesse, si je voulais être au courant de ses dernières résolutions. M me de Montesparre s’était retirée dans son appartement. Hélène attendait dans le cabinet voisin que sa maîtresse l’appelât pour se mettre au lit. — Couchez-vous, Hélène, lui dit la comtesse en allant vers elle. Je vais au Refuge, ne m’attendez pas, ma chère, reposez-vous ; ne soyez pas inquiète, Charles vient avec moi. — Puis elle prit une petite lanterne de poche dans une de ses caisses et me la remit en me disant de l’allumer. J’ignorais absolument quel chemin nous allions prendre. Elle ouvrit une grande armoire, fit glisser le panneau du fond et me montra un étroit escalier qui plongeait en biais dans l’épaisseur du mur. Je le descendais à reculons pour éclairer la comtesse. — Vous