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encore aux héritiers des croisés, dans la mémoire vivante du royaume latin et des armes franques, dans les témoignages que porte chaque pierre des services rendus et de la gloire acquise.

En face des Latins et en hostilité perpétuelle avec eux, les Grecs luttent pour la primauté. Ils sont représentés par un clergé considérable et remuant, par d’innombrables moines. Ces moines et ce clergé sont moralement inférieurs à leurs compétiteurs : nul n’ignore par quels moyens ils arrivent à supplanter ces derniers ; mais ils ont pour eux la richesse, l’intrigue, l’habitude de traiter avec les maîtres du sol et la souplesse qui leur plaît. Ils dirigent un troupeau considérable ; la majeure partie des Arabes chrétiens est de la communion orthodoxe. Ce troupeau est grossi et ses pasteurs enrichis par le mouvement incessant du pèlerinage qui amène à Jérusalem les Grecs des îles, de la Turquie, du royaume hellénique, sans parler des pèlerins russes dont j’ai signalé plus haut l’importance. Surtout ils ont l’immense avantage de tenir au sol par toutes leurs racines, de combattre avec les armes et les langues de l’Orient, de se recruter facilement dans le pays ou dans les contrées avoisinantes, de poursuivre leur développement logique sur un terrain qui est le leur. Grecs de l’Hellade, de l’Archipel et de Syrie, tous en somme sont et seront toujours des Orientaux ; leur culte offre à l’Oriental la pompe, l’apparat, les pratiques minutieuses que sa nature réclame ; ils puisent dans le sentiment de leur force l’audace et la persévérance qui leur ont permis de déposséder les Latins d’une partie de leurs sanctuaires. A côté de ces avantages, il faut néanmoins se rappeler les causes intérieures de dissolution qui menacent l’église orthodoxe et dont j’ai déjà dit quelques mots.

Après ces deux puissances religieuses, alliés le plus souvent aux Grecs, dont les conquêtes leur ont profité, viennent les Arméniens grégoriens. Ils se sont fait une place enviable dans les principaux sanctuaires, leurs titres sont anciens et respectables, leur communauté intelligente et laborieuse ; mais leur nombre insignifiant ne leur permet pas d’aspirer à une prépondérance effective, et ils ne semblent pas y songer. A côté d’eux, je ne citerai que pour mémoire les Coptes, les Abyssins, les jacobites, débris demeurés là pour compléter de leurs notes originales et exotiques le concert du christianisme universel.

L’élément nouveau que les trente ou quarante dernières années ont introduit à Jérusalem est le protestantisme. Les missionnaires anglicans et américains sont arrivés les premiers, précédés par la cargaison de bibles obligée : pourvus à souhait de zèle et d’argent, ils ont élevé des constructions confortables, un évêché, une chapelle, et semé par la ville des dépôts de bibles. Les luthériens allemands les ont suivis dans les derniers temps : grâce au